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L’AMOUR SUPRÊME


Les cœurs chastes diffèrent des Anges en félicité, mais pas en honneur.
St-Bernard.


Ainsi l’humanité, subissant, à travers les âges, l’enchantement du mystérieux Amour, palpite à son seul nom sacré.

Toujours elle en divinisa l’immuable essence, transparue sous le voile de la vie, — car les espoirs inapaisés ou déçus que laissent au cœur humain les fugitives illusions de l’amour terrestre, lui font toujours pressentir que nul ne peut posséder son réel idéal sinon dans la lumière créatrice d’où il émane.

Et c’est pourquoi bien des amants — oh ! les prédestinés ! — ont su, dès ici-bas, au dédain de leurs sens mortels, sacrifier les baisers, renoncer aux étreintes et, les yeux perdus en une lointaine extase nuptiale, projeter, ensemble, la dualité même de leur être dans les mystiques flammes du Ciel. À ces cœurs élus, tout trempés de foi, la Mort n’inspire que des battements d’espérance ; en eux, une sorte d’Amour-phénix a consumé la poussière de ses ailes pour ne renaître qu’immortel : ils n’ont accepté