Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/204

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petit salon à peu près désert, dont j’entrevoyais à peine les hôtes. Le balcon d’une vaste croisée grand’ouverte invitait mon désir de solitude ; je vins m’y accouder. Et, là, je laissai mes regards errer au dehors sur tout ce pan du Paris nocturne qui, de l’Arc-de-l’Étoile à Notre-Dame, se déroulait à la vue.


Ah ! l’étincelante nuit ! De toutes parts, jusqu’à l’horizon, des myriades de lueurs fixes ou mouvantes peuplaient l’espace. Au delà des quais et des ponts sillonnés de lueurs d’équipages, les lourds feuillages des Tuileries, en face de la croisée, remuaient, vertes clartés, aux souffles du Sud. Au ciel, mille feux brûlaient dans le bleu-noir de l’étendue. Tout en bas, les astrals reflets frissonnaient dans l’eau sombre : la Seine fluait, sous ses arches, avec des lenteurs de lagune. Les plus proches papillons de gaz, à travers les feuilles claires des arbustes, en paraissaient les fleurs d’or. Une rumeur, dans l’immensité, s’enflait ou diminuait, respiration de l’étrange capitale : cette houle se mêlait à cette illumination.

Et des mesures de valses s’envolaient, du brillant des violons, dans la nuit.

Au brusque souvenir du roi dans l’exil, il me vint des pensers de deuil, une tristesse de vivre et le regret de me trouver, moi aussi, le passant de cette fête. Déjà mon esprit se perdait en cette songerie, lorsque de subits et délicieux effluves de lilas blancs, tout auprès de moi, me firent détourner à demi