Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/242

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enserrée, à sa ligne de prosection, dans la cire ou le mastic, et mise en relation avec les reffusions de sang artériel, profluées, s’il est possible, de son tronc même — maintenu debout sous la haute table trouée. On essaiera de retarder l’insensibilité cadavérique et de constater, s’il y a lieu, dans cette tête, ainsi artificiellement réadhérente à son corps, une sorte soit de survie, de présence, ou quelque lueur de Pensée-consciente, soit d’interruption radicale de l’existence.

La presse européenne a divulgué, ces jours-ci, les expériences ultra-pénales tentées sur les pantelantes dépouilles des derniers suppliciés, en vue de découvrir quelque indice du gîte cérébral où, durant quelques secondes encore, se cramponne la volonté, le moi, l’âme. L’on n’a pas oublié le fantastique acharnement dont le fanatisme physiologique a fait preuve, alors qu’aux cahots du fourgon de justice, aux lueurs de sa mauvaise lampe, d’éminents délégués de la Faculté n’hésitaient pas à plonger, au nom de la Science humaine, leurs longues aiguilles dans le cerveau d’une jeune tête grimaçante, crispée et hagarde, — qui, vainement, tournait ses prunelles torturées du côté où l’un de ces messieurs lui sifflait dans l’oreille — ceci près d’une heure et demie après la décollation et au sortir du fictif enterrement de cinq minutes.

Cette vivisection posthume atteste, une fois de plus, cette vérité majeure que « rien ne se perd dans la Nature ». En effet, du moment où la torture est abolie avant l’exécution, n’est-il pas tout naturel