Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/253

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était mourante : sa tête charmante était à moitié brisée par un projectile — que les hommes de l’art, mandés en toute hâte, n’ont encore pu extraire sous l’abondante chevelure, coagulée sur la blessure béante. — Ce matin, vers les dix heures moins dix minutes, après un long, spasmodique et douloureux coma, la vicomtesse a rendu l’âme. L’on va procéder à l’autopsie de l’encéphale et remettre le projectile aux mains de l’autorité.

« De graves soupçons, des charges accablantes pèsent sur son époux, dont, si l’on en croit les on-dit, la jalousie pouvait être, à bon droit, depuis trop longtemps éveillée. Circonstance toute spéciale : vingt minutes après l’événement, comme on recherchait de tous côtés le vicomte, nos agents l’ont happé à la gare, au moment où, valise en main, il sautait dans l’express de la capitale. Conduit chez M. le juge d’instruction (absent pour constatation de cinq autres crimes), M. de Rotybal a dû passer la nuit à la maison d’arrêt. Pendant le trajet, il n’a daigné parler à M. le Commissaire de police que d’une certaine Société de Divorceurs ( ?) à laquelle il voulut (vainement) télégraphier à Paris, pour suspendre, disait-il, une commande importante. — Feindrait-il déjà la démence ? L’on pense qu’au moment où paraîtront ces lignes il aura subi son premier interrogatoire. L’on s’attend à des aveux. L’émoi, dans la localité, est considérable.

« Toutefois, que nos lecteurs se rassurent : malgré le « titre » du prévenu, le clergé, cette fois, n’étouffera