Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

À la trouble lueur de mon luminaire et les yeux de plus en plus voilés par le vin d’Espagne, j’aperçus, vaguement une chambre d’auberge ordinaire. Celle-ci était plus longue que large. — Au fond, entre les deux fenêtres, une massive armoire à glace, importée là d’occasion — et par hasard, sans doute, — nous reflétait, la mulâtresse et moi. Une cheminée sans pendule, à paravent. Une chaise de paille, auprès du lit, dont le chevet touchait l’ouverture de la porte.

Pendant que je donnais un tour de clef, l’enfant dont les pas, aussi surpris que les miens par cette insidieuse et absurde ivresse, chancelaient quelque peu, se jeta sur le lit, tout habillée. Elle avait laissé en bas sur la table, son tambour de basque et son éventaire. Je posai le chandelier sur la chaise. Je m’assis sur le lit, auprès de cette rieuse fille, qui, la tête sous l’un de ses bras, semblait déjà presque endormie. Un mouvement que je fis pour l’embrasser m’appuya la tête sur l’un des oreillers. Je fermai les yeux malgré moi. Je m’étendis, tout habillé aussi, auprès d’elle et très vite, sans m’en apercevoir, — il n’y eût pas à dire — je tombais dans un profond et bienfaisant sommeil.

Vers le milieu de la nuit, réveillé par une secousse indéfinissable, je crus entendre, dans le noir (car la bougie s’était consumée pendant mon repos), un bruit faible, comme celui du vieux bois qui craque. Je n’y accordai que peu d’attention : cependant, j’ouvris les yeux tout grands dans l’obscurité.

Et l’arrivée, la plage,