Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/300

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— Ah ! ça, qu’y a-t-il donc ici ?

À cette question, des voix rauques et dures, qu’une évidente panique assourdissait et entrecoupait, me répondirent de tous côtés dans l’hôtellerie :

— Eh ! vous le savez bien, à la fin, ce qu’il y a !

On me prenait pour le lieutenant ; les voix continuaient :

— Au diable !

— S’il ne faut pas être fou, sacré tonnerre ! pour dormir avec le Diable dans la chambre !

Et l’on s’enfuyait à travers les couloirs et l’escalier, en un tumulte.

Au ton de ces paroles, je sentis, d’une manière confuse, que je rêvassais béatement au milieu de quelque grand péril. Si l’on s’enfuyait avec cette hâte, c’était, à n’en pas douter, que le terrible de la chose inconnue — devait être imminent !

Le cœur oppressé par une anxiété mortelle, je repoussai la mulâtresse et je saisis, à tâtons, les allumettes dans le chandelier. — Ah ! ne seraient-elles pas bientôt consumées ? Je fouillai très vite ma poche, j’y trouvai un journal encore plié, que j’avais acheté à Bordeaux. Je le tordis, dans l’obscurité, en forme de torche, et je frottai fiévreusement contre le bois du chevet toutes les allumettes à la fois.

Le fumeux soufre mit du temps à brûler ! Enfin, le destin me permit d’allumer mon flambeau de hasard, — et je regardai dans la chambre.

Le bruit s’était arrêté.