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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/384

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Akëdysséril, après avoir un instant caché son visage de veuve entre ses mains radieuses, continua :

— « Répondre à ces enfants en leur adressant des bourreaux ? Non ! Jamais. — Cependant, que résoudre, puisque la mort, seule, peut mettre fin, sans retour, aux persévérances opiniâtres des partisans d’un prince — et que l’Inde me demandait la paix ?… Déjà d’autres rebellions menaçaient : il me fallait encore m’armer contre l’Indo-Scythie… — Soudainement, une étrange pensée m’illumina ! C’était la veille du jour où j’allais marcher contre les aborigènes des monts arachosiens. Ce fut à toi seul que je songeai, Sivâ ! Quittant, de nuit, mon palais, j’accourus ici, seule : — rappelle-toi ! divinité morose ! — Et je vins demander secours, devant ton sanctuaire, à ton noir pontife.

« Brahmane, lui dis-je, je sais que — ni mon trône dont la blancheur s’éclaire de tant de pierreries, ni les armées, ni l’admiration des peuples, ni les trésors, ni le pouvoir de ce lotus inviolé — non, rien ne peut égaler en joie les premières délices de l’Amour ni ses voluptueuses tortures. Si l’on pouvait mourir du ravissement nuptial, mon sein ne battrait plus depuis l’heure où, pâle et rayonnante, Sinjab me captiva sous ses baisers, à jamais, comme sous des chaînes !

« Cependant, si, par quelque enchantement, il était