Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/388

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savais en offrir mille preuves !… Isolés, pouvaient-ils, ces enfants, échanger ce seul regard qui eût traversé les nébuleuses fumées de tes vengeances comme un rayon de soleil ? Non ! Non. Tu triomphais — et, tout à l’heure, je t’apprendrai, te dis-je, par quel redoutable artifice ! Et le feu chaste de leurs veines, attisé, sans cesse, par le ravage des jalousies, par la mélancolie de l’abandon, tu sus en irriter les désirs jusqu’à les rendre follement charnels — à cause de cette croyance où tu plongeais leurs cœurs, l’impossibilité de toute possession l’un de l’autre. Entre leurs demeures, chaque jour, passant le Gange, tu te faisais, sur les eaux saintes, une sorte d’effrayant messager de pleurs, d’épouvante, d’illusions mortels et d’adieux.

« Ah ! les délations de mes phaodjs sont profondes : elles m’ont éclairé [sic] sur certaine détestable puissance dont tu disposes ! Ils ont attesté, en un serment, les Dêvas des Expiations éternelles, que nulle arme n’est redoutable auprès de l’usage où ton noir génie sait plier la parole des vivants. Sur ta langue, affirment-ils, s’entre-croisent, à ton gré, des éclairs plus fallacieux, plus éblouissants et plus meurtriers que de ceux qui jaillissent, dans les batailles, des feintes de nos cimeterres. et, lorsqu’un esprit funeste agite sa torche au fond de tes desseins, cet art, ce pouvoir, plutôt, se résout, d’abord, en… »

La reine, ici, fermant à demi les paupières, sembla suivre, d’une lueur, entre ses cils, dans les vagues ténèbres du temple, un fil invisible, perdu, flottant :