Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/86

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bre de leurs « semblables » se soucierait de jalouser. Incarnant, enfin, toute la poésie de leurs intelligences dans sa plus haute réalisation, leurs aurores, et leurs jours — et leurs soirs, et leurs nuits seront des évocations de merveilles. Leurs cœurs, passionnés d’idéal autant que d’éperdus désirs, s’épanouiront comme deux mystiques roses d’Idumée, satisfaites d’embaumer les hauteurs natales à quelque vague distance même, hélas ! des Jérusalem, — en Terre-Sainte, pourtant.

De même que, libres, ils ont distribué, simplement et de la manière la plus discrète, la presque totalité de leurs vastes et austères fortunes à de ces déshérités — qu’en véritables originaux ils se sont donné la peine de chercher avec un choix patient, — de même, hostiles à toutes emphases, ils n’ont éprouvé, nullement, le besoin de se « jurer » qu’ils ne se survivraient pas l’un à l’autre. Non. — Seulement, ils savent très bien à quoi s’en tenir là-dessus.

Au parfait dédain de tout ce qui les a déçus, loin du désenchantement brillant de leur monde d’autrefois, ils ont jeté, d’un regard, à leur ex-entourage, oublié déjà, l’adieu glacé, suprême, claustral, que la mélancolie de leur joie grave ne regrettera jamais. Ils sont ceux qui ne s’intéressent plus. Ayant compris, une fois pour toutes, de quelle atroce tristesse est fait le rire moderne, de quelles chétives fictions se repaît la sagesse purement terre à terre, de quels bruissements de hochets se puérilisent les oreilles des triviales mul-