Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/99

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vautés, quelques jeux d’enfants, quelques faveurs banales, les voilà se croyant des princes de la Débauche ! En vérité, nous sommes plus… sérieux.

— Ah ? répondis-je.

Après un moment de silence :

— Au fond, — continua tranquillement celui des deux promeneurs qui venait de parler, — pour connaître et comprendre les préférences passionnelles d’un peuple, la nature, enfin, des sens dont son organisme, en général, est pénétré, je dis qu’il n’est pas inutile de méditer, d’approfondir les impressions dominantes que laissent dans l’esprit, à cet égard, les œuvres de son exprimeur favori, de son Poète national. Ce que « chante », en effet, celui-ci, les autres l’accomplissent — ou rêvent de l’accomplir.

Voyons : en France, vous avez votre Victor Hugo par exemple, dont les œuvres crèvent de santé, de morale convenue et de solennelles vieilleries : tous le lisent. Donc, la dominante des préférences sensuelles de la majorité des Français est exprimée en ses ouvrages, et la simplicité, toute primitive, de vos joies libertines en fait foi.

Nous… c’est autre chose. Notre poète vraiment national est Algernon Charles Swinburne, dont le génie ou le talent sont également hors ligne : les éditions de ses œuvres se succèdent et s’épuisent, tous les ans, par vingt et trente mille volumes. Il est, on peut le dire, sous tous les yeux, en Angleterre. Donc, la dominante de ce qu’il exprime, en