Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/101

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quoi ne serait-il pas improbable, d’avance, que nous puissions être sérieusement émus ? Tout ce que la poésie et la mythologie des anciens ont pu rêver de colossal et d’étrange est dépassé par notre réalité. Les dieux ne sont plus de notre puissance ; leur tonnerre est devenu notre jouet, notre coureur et notre esclave. Les ailes de l’aigle ? l’empire des nuages ? N’avons-nous pas le gaz hydrogène pour nous promener dans les cieux ? Quel Pégase pourrait suivre un train-express et jouter d’haleine avec lui ? Quel Mercure obéirait avec la promptitude d’un télégraphe électrique ? Que devient la Renommée aux cent trompettes devant les millions de voix infatigables de la presse ? Quelle figure Neptune jugerait-il convenable de prendre en face de nos Léviathans, de nos môles et de nos chaînes sous-marines ?… Que dirait le rigide Rhadamante à l’aspect de nos grandes villes si bien policées ? — Phébus-Apollon ? mais nous l’avons réduit à prendre nos ressemblances ! nous l’avons érigé notre peintre favori. — Hercule et ses douze travaux nous feraient sourire : par exemple, il tua le lion de Némée, à lui seul ; n’avons-nous pas des