Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/48

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faut ; — n’a pas d’ennemis qui veut ! Ils servent beaucoup plus que les amis. Les amis ont bien assez de s’occuper d’eux-mêmes : les ennemis s’occupent de vous et vous préparent de quoi exercer votre faculté de vaincre les obstacles. Les obstacles sont aussi nécessaires que le pain. Ne faut-il pas des ennemis à celui qui veut vaincre ? — Quand vous parlerez, continuez à ne pas sourire ni hausser les sourcils, enfin à garder un visage sans mobilité, autant que possible… (Si je vous dis tout cela, c’est que je vous voudrais parfait, mon cher enfant.) Soyez grave et indifférent. Prononcerait-on les paroles les plus fortes, les plus humaines, les plus profondes, que sembler tenir à les imposer serait s’aliéner maladroitement l’esprit du monde : on paraîtrait vouloir paraître, ce qui tue.

Wilhelm était muet d’attention.

— Ce que je vous dis là vous semble à présent d’une grande simplicité, n’est-ce pas ? vous ne pouvez savoir ce que me coûtent ces conseils. Seulement, Wilhelm, sachez que les sages les plus en renom, prophètes ou demi-dieux, n’ont boule-