Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/83

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Et elle devenait plus grande. Les jardins du palais, abandonnés depuis longtemps, étaient vastes comme des solitudes : elle marchait dans les profondes allées, et elle se perdait sans effroi dans les fourrés de fleurs sauvages, dans les taillis ombragés de vieux arbres. Son enfance fut silencieuse comme le rêve, et elle s’éleva dans l’ombre.

La particularité d’organisation de Tullia Fabriana, nous voulons parler de l’extraordinaire étendue de ses aptitudes intellectuelles, se développa dans cette privation et dans cette liberté.

Le caractère de son esprit se détermina seul, et ce fut par d’obscures transitions qu’il atteignit les proportions immanentes où le moi s’affirme pour ce qu’il est. L’heure sans nom, l’heure éternelle où les enfants cessent de regarder vaguement le ciel et la terre, sonna pour elle dans sa neuvième année. Ce qui rêvait confusément dans les yeux de cette petite fille demeura, dès ce moment, d’une lueur plus fixe : on eût dit qu’elle éprouvait le sens d’elle-même en s’éveillant dans nos ténèbres.

Ce fut vers cet âge qu’elle devint pensive. Une intense fièvre d’étude vint l’étreindre spontané-