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PETIT TESTAMENT

La mort, et que plus je ne dure !
Si n’y vois secours que fouir !
Rompre veut la vive soudure
Sans mes piteux regrets ouïr !

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Pour obvier à ses dangers,
Mon mieux est, ce crois, de partir.
Adieu ! Je m’en vais à Angers,
Puisqu’ell’ ne me veut impartir
Sa grâce, ni me départir.
Par elle meurs, les membres sains ;
Au fort, je meurs amant martyr,
Du nombre des amoureux saints !

7

Combien que le départ soit dûr,
Si faut-il que je m’en éloigne.
Comme mon pauvre sens est dur !
Autre que moi est en quéloigne.
Onc loup, en forêt de Boulogne
Ne fut plus altéré d’humeur.
C’est pour moi piteuse besogne :
Dieu en veuille ouïr ma clameur !

8

Et puisque départir me faut,
Et du retour ne suis certain :
Je ne suis homme sans défaut,
Plus qu’autre d’acier ni d’étain.