Page:Viollet-Leduc - Bibliographie des chansons, fabliaux, 1859.djvu/19

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AVANT-PROPOS.

Chez tous les peuples qui possèdent des souvenirs littéraires et qui ont conservé des traces écrites de la vie intellectuelle de leurs aïeux, on retrouve plus ou moins parfaits les moules héroïques et sérieux de la littérature humaine. Épopées, romans de gestes, recueils de mythes religieux, systèmes de morale et de philosophie, scènes dialoguées des passions divines et humaines, observations agricoles et hygiéniques, livres de cosmographie, d’astrologie, de sciences primitives plus ou moins bizarres, plus ou moins hypothétiques, corps de lois, annales historiques, chroniques, légendes fabuleuses ou exagérées par la tradition, toutes ces graves productions de l’esprit humain croissent à divers degrés de force et de grandeur sur les sols si variés, si diversement éclairés de la cosmopolite république des lettres.

Quant à ces fleurs brillantes de la fantaisie en belle humeur, les parodies railleuses des gravités de la vie, les libres indiscrétions, les récits décolletés, les grasses plaisanteries, les satires provoquantes, effrontées, bruyantes, les chansons à plein gosier qui réunissent dans un même élan de joie moqueuse le noble et le vilain, l’homme de dur labeur et le courtisan, elles semblent ne germer que sur certaines parties du vaste domaine de l’intelligence. Ces épices de haut goût, qui donnent tant de piquant et de verte saveur aux assemblées posthumes que forment nos bibliothèques, sont récoltées plus spécialement parmi nous. Il faut, pour les obtenir, une grande mobilité d’impression, une propension curieuse à retourner les faits, même les plus tristes, sous leurs faces les plus opposées. Le caractère de celui