Page:Viollet-Leduc - Bibliographie des chansons, fabliaux, 1859.djvu/27

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Au chapitre des traités singuliers apparaissent le seigneur des Accords et Béroalde de Verville avec son larcin impudent à peine déguisé par des noms et des plaisanteries de son époque. Ici Viollet-Leduc restitue justement à Adrien de Montluc comte de Cramail, petit-fils du célèbre maréchal, les Jeux de l’inconnu, ouvrage plein de fantaisie dans lequel on est étonné de trouver, longtemps avant l’avènement du marquis de Bièvre, des nouvelles à calembours dont voici une phrase à titre d’échantillon : « Le courtisan grotesque sortit un jour intercalaire du palais de la bouche, vêtu de vert de gris. Il avait un manteau de cheminée, doublé de frise d’une colonne, etc. » Suivent les recueils relatifs à la flagellation, le traité de Thiers, sur les perruques, l’Art de désopiler la rate, de Panckoucke, et autres curiosités humoristiques jusqu’au Roi de Bohême et ses sept châteaux, de Nodier.

Outre les appréciations de chaque livre en particulier, chacune des séries est précédée d’un aperçu sur le genre spécial qui y est traité et les époques où il a le mieux réussi. On le voit, cet ample catalogue raisonné est un ouvrage plein de saveur et d’agrément ; il ne double aucun des recueils connus et ouvre une voie toute nouvelle à l’érudition bibliographique.

Il faut savoir gré à Viollet-Leduc d’avoir fourni tous ces précieux détails aux bibliophiles qui n’ont pas toujours le temps d’aller eux-mêmes puiser aux sources ; il faut lui savoir gré d’avoir su présenter ingénieusement et d’avoir préparé à l’appréciation du premier coup d’œil la troupe originale des indiscrets de l’histoire, dont l’utilité est aujourd’hui si universellement reconnue. Car, il faut bien le dire, le ton solennel avec lequel on a cru devoir jusqu’ici écrire les annales des peuples, n’a pas permis aux historiens officiels de mettre en saillie les habitudes des couches inférieures des populations, ni de s’occuper suffisamment des mœurs intimes, des joies du foyer, des véritables propos de table de nos bons aïeux. Je ne sais plus qui a dit que les mémoires d’un laquais d’Aspasie nous instruiraient plus sur les Grecs du temps de Périclès que les pompeux chefs-d’œuvre historiques, où l’on n’entend parler que de luttes et d’intrigues monotones ou sanglantes.