Page:Viollet-le-Duc, Histoire d une maison, 1873.djvu/50

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qualité précieuse, car, avec lui, il faut avoir tout prévu, avoir réponse à toute objection et savoir de tous points ce que l’on veut. Il a abandonné les travaux du châtelain de, votre voisin, parce qu’on lui faisait défaire aujourd’hui ce qu’on avait ordonné hier. Interrogez-le à ce sujet : il est curieux à entendre ; ce bon homme qui n’a que la pratique la plus élémentaire de son métier, mais qui la possède à fond, qui connaît bien les matériaux du pays et la manière de les mettre en œuvre, vous dira que l’architecte de ce château interminable est un ignorant, et il vous le prouvera à sa manière. Et cependant il est clair que cet architecte en sait beaucoup plus long que le père Branchu.

« En règle générale, quand on donne un ordre, il faut avoir sept fois pensé aux objections dont il peut être l’objet, autrement, on trouve parfois un père Branchu qui, du premier mot, vous montre que vous n’avez été qu’un étourdi. Un architecte a bien la ressource de fermer la bouche aux faiseurs d’objections lorsqu’ils sont placés sous leur direction ; mais imposer silence aux gens, n’est pas leur démontrer qu’ils ont tort, surtout si, à quelques jours de distance, le directeur de l’œuvre donne des ordres contradictoires. Chacun possède sa dose d’amour-propre dont il faut tenir compte. Autant un inférieur est flatté et vous sait gré de l’attention que vous apportez à écouter ses observations lorsqu’elles sont fondées, autant il est disposé à vous croire incapable si vous les repoussez sans examen ; surtout si, peu après, le fait démontre à cet inférieur qu’il pouvait avoir raison, Il n’est qu’un moyen d’établir la discipline dans un chantier : c’est de prouver à tous qu’on en sait plus qu’eux et qu’on tient compte des difficultés de l’exécution. »