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de la cathédrale de Verdun telle qu’elle était à la fin du XIIe siècle, et débarrassée de toutes les adjonctions qui la dénaturent aujourd’hui ; en A est le sanctuaire autrefois fort élevé au-dessus du sol de la nef, avec crypte au-dessous, comme à Spire, à Mayence, à Besançon et à Strasbourg. Il existe encore à Verdun des traces de cette crypte ou confession sous les chapelles B qui étaient relevées au niveau du sanctuaire ; en C le transsept de l’est, D la nef, E l’entrée ancienne, F le transsept de l’ouest, G l’abside occidentale, convertie aujourd’hui en vestibule ; en H un cloître ; en B et en I des tours. Probablement il existait au centre du transsept de l’est, en C, une coupole à pans coupés portée sur des arcs posés en gousset ou sur des trompillons, comme à Spire, à Mayence et à Strasbourg. On le voit, ces dispositions ne rappelaient nullement celles adoptées au XIIe siècle dans les églises du domaine royal, de la Normandie, du Poitou et de l’Aquitaine. Il entrait dans ces plans un élément étranger aux traditions latines, et cet élément avait été introduit dans l’Austrasie dès l’époque de Charlemagne ; c’était, on n’en peut guère douter, le produit d’une influence orientale, comme un mélange de la basilique latine et du plan de Sainte-Sophie de Constantinople. Mais si les architectes de l’Austrasie, par suite des traditions qui leur avaient été transmises, n’éprouvaient plus, au XIe siècle, de difficultés pour voûter les absides et les coupoles des transsepts, ils se trouvaient dans le même embarras que tous leurs confrères de l’Occident, lorsqu’il fallait voûter des nefs établies sur le plan latin ; d’un autre côté, par cela même qu’ils n’avaient pas cessé de faire des voûtes, et que les traditions romaines s’étaient assez bien conservées en Austrasie, ils firent l’application de la voûte d’arête antique avec moins d’hésitation que les constructeurs de l’Île-de-France et de la Champagne ; ils arrivaient à la construire sans avoir passé par la voûte en berceau comme les architectes bourguignons et des provinces du centre, et sans chercher dans l’arc en tiers-point un moyen de diminuer les poussées. Aussi, dans les provinces de l’ancienne Austrasie, la courbe en tiers-point ne vient-elle que fort tard, ou exceptionnellement, non comme une nécessité, mais comme le résultat d’une influence, d’une mode irrésistible, vers le milieu du XIIIe siècle. Entre les monuments purement rhénans et les cathédrales de Strasbourg et de Cologne par exemple, à peine si l’on aperçoit une transition ; il y a continuation du mode roman de l’est jusqu’au moment où l’architecture du domaine royal étudiée, complète et arrivée à son dernier degré de perfection, fait une brusque invasion, et vient poser ses règles sur les bords du Rhin comme dans toutes les provinces de France. On rencontre bien parfois dans les provinces austrasiennes l’application du style adopté au commencement du XIIIe siècle dans le domaine royal, mais ce ne sont que les formes de cette architecture et non son principe qui sont admis, et cela est bien frappant dans la grande salle ronde bâtie au nord de la cathédrale de Trêves, où l’on voit toutes les formes, les profils et l’ornementation de l’architecture française du commencement du XIIIe siècle, adaptés à un plan et à des dispositions de constructions qui appartiennent aux traditions carlovingiennes.