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tièrement reconstruits, mais l’église était intacte. Commencée par la partie du chœur sous saint Hugues, elle ne fut dédiée qu’en 1131. Le narthex ne fut achevé qu’en 1220. A était l’entrée du monastère, fort belle porte du XIIe siècle à deux arcades qui existe encore. En avant de l’église en R, cinq degrés conduisaient dans une sorte de parvis au milieu duquel s’élevait une croix de pierre, puis on trouvait un grand emmarchement interrompu par de larges paliers qui descendait à l’entrée du narthex, flanqué de deux tours carrées ; la tour méridionale était le siège de la justice, la prison ; celle du nord était réservée à la garde des archives. Il ne semble pas que les églises clunisiennes aient été précédées de porches de cette importance avant le XIIe siècle. Le narthex B de Cluny datait des premières années du XIIIe siècle, ceux de la Charité-sur-Loire et de Vézelay ont été bâtis au XIIe. À Vézelay, cependant, il existait un porche construit en même temps que la nef à la fin du XIe siècle ou au commencement du XIIe, mais il était bas et peu profond. Il est difficile de savoir exactement à quel usage cette avant-nef était destinée ; une nécessité absolue avait dû forcer les religieux de la règle de Cluny, vers le milieu du XIIe siècle, d’adopter cette disposition, car elle se développe tout à coup, et prend une grande importance. À Cluny, à la Charité, à Vézelay, le narthex est une véritable église avec ses collatéraux, son triforium, ses deux tours. À Vézelay, le triforium se retourne au-dessus de la porte d’entrée de la nef intérieure, et devient ainsi une véritable tribune sur laquelle avait été placé un autel au XIIe siècle dans la niche centrale formant originairement l’une des baies éclairant le pignon occidental (voy. Architecture Religieuse, fig. 22). Ce vestibule était-il destiné à contenir la suite des nobles visiteurs qui étaient reçus par les moines, ou les nombreux pèlerins qui se rendaient à l’abbaye à certaines époques de l’année ? Était-il un narthex réservé pour les pénitents ? Cette dernière hypothèse nous paraîtrait la plus vraisemblable ; un texte vient l’appuyer ; dans l’ancien pontifical de Châlon-sur-Saône, si voisin de Cluny, on lisait : « Dans quelques églises, le prêtre, par ordre de l’évêque, célèbre la messe sur un autel très-rapproché des portes du temple, pour les pénitents placés devant le portail de l’église[1]. » À Cluny même, près la porte d’entrée à gauche, dans le vestibule, on voyait encore, avant la révolution, une table de pierre de quatre pieds de long sur deux pieds et demi de large, qui pouvait passer pour un autel du XIIe siècle[2].

Du vestibule on entrait dans la grande église par une porte plein cintre dont le linteau représentait probablement, comme à Moissac, les vingt-quatre vieillards de la vision de saint Jean[3], bien que les descriptions ne relatent que vingt-trois figures. Au-dessus, dans le tympan, était

  1. « In quibusdam ecclesiis sacerdos in aliquo altari foribus proximiori celebrat missam, jussu episcopi, pœnitentibus ante fores ecclesiæ constitutis. » (Lorain, p. 66.)
  2. Ibid.
  3. Apocalypse.