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merceries, boucheries, halles de draps et de pain et de toutes autres nécessités ; et en recouvroit-on tout aisément pour son argent ; et tout ce leur venoit tous les jours, par mer, d’Angleterre et aussi de Flandre, dont ils étoient confortés de vivres et de marchandises. Avec tout ce, les gens du roi d’Angleterre couroient moult souvent sur le pays, en la comté de Ghines, en Therouenois, et jusques aux portes de Saint-Omer et de Boulogne ; si conqueroient et ramenoient en leur ost grand’foison de proie, dont ils étoient rafraîchis et ravitaillés. Et point ne faisoit le roi ses gens assaillir ladite ville de Calais, car bien savoit qu’il y perdroit sa peine et qu’il se travailleroit en vain. Si épargnoit ses gens et son artillerie, et disoit qu’il les affameroit, quelque long terme qu’il y dût mettre, si le roi Philippe de France derechef ne le venoit combattre et lever le siége. » Mais le roi Philippe arrive devant Calais à la tête d’une belle armée, aussitôt le roi d’Angleterre fait munir les deux seuls passages par lesquels les Français pouvaient l’attaquer, l’un de ces passages était par les dunes le long du rivage de la mer ; le roi d’Angleterre fait « traire toutes ses naves et ses vaisseaux par devers les dunes, et bien garnir et fournir de bombardes, d’arbalètres, d’archers et d’espringales, et de telles choses par quoi l’ost des François ne pût ni osât par là passer. » L’autre était le pont de Nieulay ; et fit le comte de Derby son cousin aller loger sur ledit pont de Nieulay, à grand’foison de gens d’armes et d’archers, afin que les François n’y pussent passer, si ils ne passoient parmi les marais, qui sont impossibles à passer. Entre le mont de Sangattes et la mer de l’autre côté devant Calais, avoit une haute tour que trente-deux archers anglois gardoient ; et tenoient là endroit le passage des dunes pour les François ; et l’avoient à leur avis[1] durement fortifiée de grands doubles fossés. » Les gens de Tournay attaquent la tour et la prennent en perdant beaucoup de monde ; mais les maréchaux viennent dire au roi Philippe qu’on ne pouvait passer outre sans sacrifier une partie de son armée. C’est alors que le roi des Français s’avise d’envoyer un message au roi d’Angleterre : « Sire, disent les envoyés, le roi de France nous envoie par devers vous et vous signifie qu’il est ci venu et arrêté sur le mont Sangattes pour vous combattre ; mais il ne peut ni voir ni trouver voie comment il puisse venir jusqu’à vous ; si en a-t-il grand désir pour désassiéger sa bonne ville de Calais. Si a fait aviser et regarder par ses maréchaux comment il pourroit venir jusques à vous ; mais c’est chose impossible. Si verroit volontiers que vous voulussiez mettre de votre conseil ensemble, et il mettroit du sien, et par l’avis de ceux, aviser place là où on se pût combattre ; et de ce sommes-nous chargés de vous dire et requerre[2]. »

Une lettre du roi d’Angleterre à l’archevêque d’York fait connaître que ce prince accepta la singulière proposition du roi Philippe II[3], mais qu’après

  1. Contre leurs attaques.
  2. Froissart, ch. 318, édit. Buchon.
  3. Le récit de Froissart n’est pas conforme à la lettre du roi, d’après ce chroniqueur