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lorsque le fracas de l’artillerie vint s’ajouter à ses effets matériels, on comprendra combien ces moyens de communication étaient insuffisants ; le canon devait donc faire adopter dans la construction des fortifications de larges dispositions, et obliger les armées assiégeantes et assiégées à renoncer à la guerre de détails.

La méthode qui consistait à fortifier les places en dehors des vieux murs avait des inconvénients : l’assiégeant battait à la fois les deux défenses, la seconde surmontant la première ; il détruisait ainsi les deux obstacles, ou au moins bouleversant le premier, écrêtait le second, réduisait ses merlons en poussière, démontait à la fois les batteries inférieures et supérieures (voir la fig. 64). S’il s’emparait des défenses antérieures, il pouvait être arrêté quelque temps par l’escarpement de la vieille muraille ; mais celle-ci, étant privée de ses batteries barbettes, ne présentait plus qu’une défense passive que l’on faisait sauter sans danger et sans être obligé de se couvrir. Machiavel recommandait-il aussi, de son temps déjà, d’élever en arrière des vieux murs des villes des remparts fixes avec fossé. Laissant donc subsister les vieilles murailles comme premier obstacle pour résister à un coup de main, ou pour arrêter l’ennemi quelque temps, renonçant aux boulevards extérieurs et ouvrages saillants qui se trouvaient exposés aux feux convergents des batteries de siége, et étaient promptement bouleversés, on établit quelquefois en arrière des anciens fronts qui, par leur faiblesse, devaient être choisis par l’ennemi comme point d’attaque, des remparts bastionnés, formant un ouvrage à demeure, analogue à l’ouvrage provisoire que nous avons représenté dans la fig. 57. C’est d’après ce principe qu’une partie de la ville de Metz avait été fortifiée, vers la fin du XVIe siècle, du côté de la porte Sainte-Barbe (73)[1], après la levée du siége mis par l’armée impériale. Ici les anciens murs A avec leurs lices étaient laissés tels quels ; des batteries barbettes étaient seulement établies dans les anciennes lices B. L’ennemi faisant une brèche dans le front C D qui se trouvait être le plus faible puisqu’il n’était pas flanqué, traversant le fossé et arrivant dans la place d’armes E, était battu par les deux demi-bastions F G, et exposé à des feux de face et croisés. Du dehors, ce rempart, étant plus bas que la vieille muraille, se trouvait masqué, intact ; ses flancs à orillons présentaient une batterie couverte et découverte enfilant le fossé.

Le mérite des ingénieurs du XVIIe siècle et de Vauban surtout, ç’a été de disposer les défenses de façon à faire converger sur le premier point attaqué et détruit par l’ennemi les feux d’un grand nombre de pièces d’artillerie, de changer ainsi au moment de l’assaut les conditions des armées assiégeantes et assiégées, de simplifier l’art de la fortification, de laisser de côté une foule d’ouvrages de détails fort ingénieux sur le papier, mais qui ne sont que gênants au moment d’un siége et coûtent fort cher. C’est ainsi que peu à peu on donna une plus grande superficie aux bastions, qu’on supprima les orillons d’un petit diamètre qui, détruits par l’artillerie

  1. Topog. de la Gaule. Mérian. Topog. de la France. Bib. Imp.