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nouveaux annoblis comme gentilhommes. Les armoiries de la nouvelle noblesse, composées non plus au camp, en face de l’ennemi, mais par quelque héraut dans le fond de son cabinet, n’ont pas cette originalité d’aspect, cette netteté et cette franchise dans la répartition des émaux et des figures que nous trouvons dans les armoiries de l’ancienne noblesse.

Au commencement de son règne, Louis XV renchérit encore sur ses prédécesseurs en instituant la Noblesse militaire[1]. Les considérants qui précèdent cet édit indiquent encore des ménagements envers la noblesse de race, et les tendances de la monarchie, désormais maîtresse de la féodalité. « Les grands exemples de zèle et de courage que la Noblesse de notre Roïaume a donné pendant le cours de la dernière guerre, disent ces considérants, ont été si dignement suivis par ceux qui n’avaient pas les mêmes avantages du côté de la naissance, que nous ne perdrons jamais le souvenir de la généreuse émulation avec laquelle nous les avons vus combattre et vaincre nos ennemis : nous leur avons déjà donné des témoignages authentiques de notre satisfaction, par les grades, les honneurs et les autres récompenses que nous leur avons accordés ; mais nous avons considéré que ces grâces, personnelles à ceux qui les ont obtenues, s’éteindront un jour avec eux, et rien ne nous a paru plus digne de la bonté du Souverain que de faire passer jusqu’à la postérité les distinctions qu’ils ont si justement acquises par leurs services. La Noblesse la plus ancienne de nos États, qui doit sa première origine à la gloire des armes, verra sans doute avec plaisir que nous regardons la communication de ses Privilèges comme le prix le plus flatteur que puissent obtenir ceux qui ont marché sur ses traces pendant la guerre. Déjà annoblis par leurs actions, ils ont le mérite de la Noblesse, s’ils n’en ont pas encore le titre ; et nous nous portons d’autant plus volontiers à le leur accorder, que nous suppléerons par ce moyen à ce qui pouvait manquer à la perfection des lois précédentes, en établissant dans notre Roïaume une Noblesse Militaire qui puisse s’acquérir de droit par les armes, sans lettres particulières d’annoblissement. Le Roi Henry IV avait eu le même objet dans l’article XXV de l’édit sur les tailles, qu’il donna en 1600… »

L’institution des ordres militaires avait créé au XIIe siècle des confréries assez puissantes pour alarmer les rois de la chrétienté. C’était la féodalité, non plus rivale et disséminée, mais organisée, armée et pouvant dicter les plus dures conditions aux souverains. Le pouvoir monarchique, après avoir brisé le faisceau, voulut le relier autour de lui et s’en faire un rempart ; il institua pendant les XVe et XVIe siècles les ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, pendant le XVIIe l’ordre de Saint-Louis, et plus tard encore Louis XV établit l’ordre du Mérite-Militaire peu de temps après la promulgation de l’édit dont nous avons cité un extrait. Ces institutions effaçaient les derniers écussons armoyés. Désormais la noblesse devait se reconnaître

  1. Édit du mois de novembre 1750.