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le point mathématique de la poussée d’une voûte en arc d’ogive, si la voûte a une portée de 10 à 15 mètres, par exemple, un seul arc-boutant arrivant en A ne suffira pas pour empêcher la voûte d’agir encore au-dessus et au-dessous de ce point. De même qu’en étayant un mur qui boucle, si l’on est prudent, on posera verticalement sur ce mur une couche en bois et deux étais l’un au-dessus de l’autre pour arrêter le bouclement ; de même les constructeurs qui élevèrent, au commencement du XIIIe siècle, les grandes nefs des cathédrales du nord, établirent de C en B un contre-fort, véritable couche de pierre, et deux arcs-boutants l’un au-dessus de l’autre, le premier arrivant en C au-dessous de la poussée, le second en B au-dessus de cette poussée. Par ce moyen les voûtes se trouvaient étrésillonnées à l’extérieur, et les arcs-doubleaux ne pouvaient, non plus que les arcs-ogives, faire le moindre mouvement, le point réel de la poussée se trouvant agir sur un contre-fort maintenu dans un plan vertical et roidi par la buttée des deux arcs-boutants.

Au-dessous de la naissance de la voûte ce contre-fort C B cessait d’être utile, aussi n’est-il plus porté que par une colonne isolée, et le poids de ce contre-fort n’agissant pas verticalement, les constructeurs sont amenés peu à peu à réduire le diamètre de la colonne, dont la fonction se borne à prévenir des dislocations, à donner du roide à la construction des piles sans prendre de charge ; aussi vers le milieu du XIIIe siècle ces colonnes isolées sont-elles faites de grandes pierres minces posées en délit et peuvent-elles se comparer à ces pièces de charpente nommées chandelles que l’on pose plutôt pour roidir une construction faible que pour porter un poids agissant verticalement. Les voûtes hautes du chœur de la cathédrale de Soissons, dont la construction remonte aux premières années du XIIIe siècle, sont contre-buttées par des arcs-boutants doubles (52) dont les têtes viennent s’appuyer contre des piles portées par des colonnes engagées. Un passage est réservé entre la colonne inférieure et le point d’appui vertical qui reçoit les sommiers des voûtes. Il est nécessaire d’observer que le dernier claveau de chacun des arcs n’est pas engagé dans la pile et reste libre de glisser dans le cas où la