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Le nom de bastion, ou plutôt de bastillon, ne fut guère appliqué aux défenses avancées importantes pendant le XVIe siècle. On désigna plutôt ces ouvrages par les noms de boulevard, de plate-forme, qu’ils ne perdirent que vers les premières années du XVIIe siècle, pour reprendre définitivement la dénomination de bastion, conservée jusqu’à nos jours (voy. Boulevard).

BATONS-ROMPUS, zigzags. C’est un boudin ou une baguette brisée que l’on rencontre fréquemment dans les arcs, archivoltes, cintres, bandeaux et pilastres même de l’architecture du XIIe siècle. Les tailleurs de pierre de cette époque étaient arrivés à une exécution parfaite, et ils se plaisaient à varier les membres nombreux des archivoltes, les réunions de moulures, au moyen de combinaisons de tracés qui produisaient un grand effet par le jeu des lumières et des ombres. Les bâtons-rompus les plus ordinaires sont ceux que nous donnons dans la fig. 1, reproduisant l’archivolte d’une des fenêtres de la cathédrale de Tulle. Cette ornementation se combine avec l’appareil des claveaux ; ceux-ci étant taillés et ravalés avant la pose, rien n’était plus simple que le tracé du boudin rompu sur chacun d’eux, comme le démontre le voussoir A ; l’assemblage de ces voussoirs produisait beaucoup d’effet à peu de frais. Mais c’est en Normandie surtout que ce moyen de décorer les archivoltes est fort employé du XIe au XIIIe siècle. La pierre de taille employée dans cette contrée se prêtait à ces recherches de moulures. Non-seulement en Normandie on trouve un grand nombre d’arcs moulurés, tracés suivant la fig. 1, mais les bâtons-rompus se doublent, se contrarient (2)[1], se pénètrent même parfois. Les monuments normands de l’Angleterre nous donnent les plus nombreux et riches exemples de ce genre de décoration[2].

Les architectes de l’Île de France n’usèrent qu’avec discrétion de la moulure en bâtons-rompus. Ils évitaient les bizarreries, les recherches, et semblaient prendre à tâche dans leurs édifices de laisser aux grandes lignes de l’architecture leur fonction, de repousser les formes qui pouvaient

    catervatim muris scalas admolitur… » (Voyez, au mot Boulevard, des petits bastions analogues à ceux dont parle Albert Durer, attachés aux flancs de la forteresse de Schaffhausen.)

  1. Porte du clocher de Saint-Loup, à Bayeux.
  2. Voy. A Gloss. of Terms used in Greec., Rom., Ital, and Gothic. Archit. Oxford, J. H. Parker, 1850.