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L’extérieur de l’autel c’est le bûcher ou l’autel même de la croix… En second lieu, l’autel signifie aussi l’Église spirituelle ; et ses quatre coins, les quatre parties du monde sur lesquelles l’Église étend son empire. Troisièmement, il est l’image du Christ, sans lequel aucun don ne peut être offert d’une manière agréable au Père. C’est pourquoi l’Église a coutume d’adresser ses prières au Père par l’entremise du Christ. Quatrièmement, il est la figure du corps du Seigneur ; cinquièmement, il représente la table sur laquelle le Christ but et mangea avec ses disciples. Or, poursuit-il, on lit dans l’Exode que l’on déposa dans l’arche du Testament ou du Témoignage la déclaration, c’est-à-dire les tables sur lesquelles était écrit le témoignage, on peut même dire les témoignages du Seigneur à son peuple ; et cela fut fait pour montrer que Dieu avait fait revivre par l’écriture des tables la loi naturelle gravée dans les cœurs des hommes. On y mit encore une urne d’or pleine de manne pour attester que Dieu avait donné du ciel du pain aux fils d’Israël, et la verge d’Aaron pour montrer que toute puissance vient du Seigneur-Dieu, et le Deutéronome en signe du pacte par lequel le peuple avait dit : « Nous ferons tout ce que le Seigneur nous dira. » Et à cause de cela l’arche fut appelée l’Arche du Témoignage ou du Testament, et, à cause de cela encore, le Tabernacle fut appelé le Tabernacle du Témoignage. Or, on fit un propitiatoire ou couverture sur l’Arche… C’est à l’imitation de cela que dans certaines églises on place sur l’autel une arche ou un tabernacle dans lequel on dépose le corps du Seigneur et les reliques des saints… Donc, ajoute Guillaume Durand plus loin, par l’autel il faut entendre notre cœur ;… et le cœur est au milieu du corps comme l’autel est au milieu de l’église. C’est au sujet de cet autel que le Seigneur donne cet ordre dans le Lévitique : « Le feu brûlera toujours sur mon autel. » Le feu c’est la charité ; l’autel c’est un cœur pur… Les linges blancs dont on couvre l’autel représentent la chair ou l’humanité du Sauveur… » Guillaume Durand termine son chapitre de l’Autel, en disant que jamais l’autel ne doit être dépouillé, ni revêtu de parements lugubres ou d’épines, si ce n’est au jour de la Passion du Seigneur (ce que, ajoute-t-il, réprouve aujourd’hui le concile de Lyon), ou lorsque l’Église est injustement dépouillée de ses droits. Dans son chapitre III (des Peintures, etc.), il dit : « On peint quelquefois les images des saints Pères sur le retable de l’autel… Les ornements de l’autel sont des coffres et des châsses (capsis), des tentures, des phylactères (philatteriis), des chandeliers, des croix, des franges d’or, des bannières, des livres, des voiles et des courtines. Le coffre dans lequel on conserve les hosties consacrées, signifie le corps de la Vierge glorieuse… Il est parfois de bois, parfois d’ivoire blanc, parfois d’argent, parfois d’or et parfois de cristal… Le même coffre, lorsqu’il contient les hosties consacrées et non consacrées, désigne la mémoire humaine ; car l’homme doit se rappeler continuellement les biens qu’il a reçus de Dieu, tant les temporels, qui sont figurés par les hosties non consacrées, que les spirituels, représentés par les hosties consacrées… Et les châsses (capsæ) posées sur l’autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres