Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cat]
— 284 —

attribuer cela à un refroidissement religieux ? nous ne le pensons pas ; la nation, sentant désormais un pouvoir supérieur à la féodalité, portait ses regards vers lui, et n’éprouvait plus le besoin si vif, si pressant, d’élever la cathédrale en face de la forteresse féodale.

À la fin du XIIIe siècle, celles de ces vastes constructions qui étaient tardivement sorties de terre n’arrivèrent pas à leur développement ; elles s’arrêtèrent tout à coup ; si elles furent achevées, ce ne fut plus que par les efforts personnels d’évêques ou de chapitres qui employèrent leurs propres biens pour terminer ce que l’entraînement de toute une population avait permis de commencer. Il n’est pas une seule cathédrale qui ait été finie telle qu’elle avait été projetée ; et cela se comprend ; la période pendant laquelle les grandes cathédrales eussent dû être conçues et élevées, celle pendant laquelle leur existence est pour ainsi dire un besoin impérieux, l’expression d’un désir national irrésistible, est comprise entre les années 1180 et 1240. Soixante ans ! Si l’on peut s’étonner d’une chose, c’est que dans ce court espace de temps, on ait pu obtenir, sur tout un grand territoire, des résultats aussi surprenants ; car ce n’était pas seulement des manœuvres qu’il fallait trouver, mais des milliers d’artistes qui, la plupart, étaient des hommes dont le talent d’exécution est pour nous aujourd’hui un sujet d’admiration.

Tel était alors, en France, le besoin d’agrandir les cathédrales, que, pendant leur construction même, les premiers travaux, déjà exécutés en partie, furent parfois détruits pour faire place à des projets plus grandioses. En dehors du domaine royal, le mouvement n’existe pas, et ce n’est que plus tard, vers la fin du XIIIe siècle, lorsque la monarchie eut à peu près réuni toutes les provinces des Gaules à la France, que l’on entreprend la reconstruction des cathédrales. C’est alors que quelques diocèses remplacent leurs vieux monuments par des constructions neuves élevées sur des plans sortis du domaine royal. Mais ce mouvement est restreint, timide, et il s’arrête bientôt par suite des malheurs politiques du XIVe siècle.

À la mort de Philippe-Auguste, en 1223, les principales cathédrales comprises dans le domaine royal étaient celles de Paris, de Chartres, de Bourges, de Noyon, de Laon, de Soissons, de Meaux, d’Amiens, d’Arras, de Cambrai, de Rouen, d’Évreux, de Séez, de Bayeux, de Coutances, du Mans, d’Angers, de Poitiers, de Tours ; or tous ces diocèses avaient rebâti leurs cathédrales, dont les constructions étaient alors fort avancées. Si certains diocèses sont politiquement unis au domaine royal et se reconnaissent vassaux, leurs cathédrales s’élèvent rapidement sur des plans nouveaux comme celles de la France ; les diocèses de Reims, de Sens, de Chalons, de Troyes en Champagne, sont les premiers à suivre le mouvement. En Bourgogne, ceux d’Auxerre et de Nevers, les plus rapprochés du domaine royal, reconstruisent leurs cathédrales ; ceux d’Autun et de Langres, plus éloignés, conservent leurs anciennes églises élevées vers le milieu du XIIe siècle.

Dans la Guyenne, restée anglaise, excepté Bordeaux qui tente un effort