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assez de cette vaste surface couverte[1] à rez-de-chaussée ; comme nous l’avons dit tout à l’heure ; une large galerie pourtourne l’église au-dessus du collatéral intérieur[2] ; on y arrive par quatre grands escaliers à vis d’un emmarchement de 1m, 50 environ. Les galeries supérieures, de la même largeur que le bas-côté et voûtées, n’apparaissent guère pendant la première partie de la période ogivale, que dans les cathédrales de l’Île de France ; on les retrouve à Noyon, à Laon, à Soissons (voy. Architecture Religieuse). Dans ces villes riches et populeuses, on avait probablement senti le besoin d’offrir aux fidèles ce supplément de surface, pour les jours de grandes cérémonies ; mais ces galeries avaient encore cet avantage de permettre d’ouvrir des jours larges propres à éclairer le centre de la nef, et de donner une plus grande solidité aux constructions.

La coupe transversale que nous présentons (fig. 2) fera comprendre le système de construction adopté par l’architecte de la cathédrale de Paris, de 1160 à 1220. Des découvertes récentes du plus haut intérêt nous engagent à reproduire cette coupe, tracée déjà, mais d’une manière incomplète, dans l’article Architecture Religieuse. On voit en A les fenêtres de la galerie ou triforium, dont la position indique nettement l’intention de donner du jour dans la nef, que les fenêtres B du double bas-côté et les fenêtres C supérieures eussent laissée dans l’obscurité. Mais cette disposition inclinée des voûtes du triforium forçait de relever le chéneau D et par conséquent le comble E ; il restait un espace FG, que nous supposions plein, nous en tenant à la première travée de la nef laissée dans son état primitif[3]. Or cet intervalle entre l’appui de la fenêtre haute et l’arc du triforium était percé de roses J à meneaux très-singuliers, et destinées autant à alléger la construction qu’à donner de la lumière sous le comble E. Les jours de grandes cérémonies, ces roses étaient utilisées pour décorer l’édifice à l’intérieur. La grande élévation du mur du triforium portant le chéneau D avait permis de construire les arcs-boutants H I à double volée avec une pile K intermédiaire. De plus, la naissance des grandes voûtes était maintenue par des sous arcs-boutants L portant les pannes du comble E. Ces arcs-boutants L étaient eux-mêmes contrebuttés par les arcs-boutants inférieurs M, qui maintenaient en même temps les voûtes du triforium. Cette construction, solide, ingénieuse et belle en même temps, était rendue stable à tout jamais par les énormes

  1. La surface couverte de l’église de Notre-Dame de Paris était de 4 370 mèt. ; déduisant les pleins et le sanctuaire, restait environ 3 800 mèt. à rez-de-chaussée, pouvant contenir, en supposant les espaces laissés libres pour les passages, 7 500 personnes.
  2. Ces galeries peuvent contenir 1 500 personnes, en supposant qu’elles soient placées seulement sur quatre rangs.
  3. C’est en réparant les fenêtres hautes de la nef de la cathédrale, pendant le cours de la campagne de 1854, que nous avons découvert les roses s’ouvrant dans la nef au-dessus de la galerie du premier étage, et éclairant le comble de cette galerie. Des fragments de ces roses ont pu être replacés dans la dernière travée de la nef et les deux travées ouest du croisillon sud.