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la cathédrale. » J. B. Thiers[1] démontre clairement que l’usage d’entourer les autels de voiles, encore conservé de son temps dans quelques églises, était général dans les premiers siècles du christianisme. Nous donnons ici la copie de l’ancien maître autel de la cathédrale d’Arras (8), représenté sur un tableau du XVIe siècle conservé dans la sacristie de cette église[2]. Cet autel datait certainement du XIIIe siècle, sauf peut-être la partie supérieure de la suspension, la croix, qui paraît appartenir au XVe. Ce charmant monument était construit partie en marbre blanc partie en argent naturel ou doré. La pile postérieure derrière le retable était en marbre rehaussé de quelques dorures, elle portait une petite statue de la Vierge sous un dais couronné d’un crucifiement en argent avec saint Jean et la Vierge ; trois anges reçoivent le précieux sang de Notre-Seigneur dans de petites coupes. Derrière le dais de la Vierge était un ange en vermeil sonnant de l’olifant. Une crosse en vermeil à laquelle s’attachait un ange aux ailes déployées soutenait le saint ciboire suspendu par une petite chaîne. Sur le retable étaient posés des reliquaires. Six colonnes d’argent et de vermeil portaient six anges entre les mains desquels on distingue les instruments de la Passion. Dans le tableau de la sacristie d’Arras, l’autel ainsi que le retable sont couverts de parements semés de fleurs de lis. Nous ne savons pas comment était décoré le retable sous le parement ; quant à l’autel, il présentait une disposition très-remarquable, disposition que nous reproduisons dans la gravure (fig. 8), d’après un dessin de feu Garnerey[3].

Le maître autel de la cathédrale de Paris, qui est représenté dans une gravure de 1662[4], est disposé comme celui de la cathédrale d’Arras. Quatre anges tenant les instruments de la Passion sont posés sur quatre colonnes de cuivre portant les tringles sur lesquelles glissent les courtines. À Notre-Dame de Paris, l’autel était fort simple, revêtu d’un parement ainsi que le retable ; derrière l’autel s’élevait le grand reliquaire contenant la châsse de saint Marcel. « Premièrement, dit le P. Du Breul[5], derrière et au hault du grand autel, sur une large table de cuivre, soutenue de quatre gros et fort haults pilliers de même estoffe est posée la châsse de saint Marcel, neufième évêque de Paris, laquelle est d’argent doré, enrichie d’une infinité de grosses perles et pierres précieuses… Plus hault d’icelle, est une fort grande croix, dont le crucifix est d’argent doré. »

À côté de ce reliquaire était un autre autel : « Au côté droit, poursuit Du Breul, sur l’autel de la Trinité, dict des Ardents, est la châsse de Notre-

  1. Dissert. ecclés. sur les princ. autels des églises, ch. XIV.
  2. Voy. Annales archéologiques, t. IX, p, 1, l’article de M. Lassus et les notes de M. Didron, ainsi que la gravure exécutée sur un calque de ce tableau.
  3. Nous devons la conservation de ce dessin à M. Lassus, qui, du vivant de M. Garnerey, en avait fait un calque. Ce dessin est reproduit dans les Annales archéologiques, t. IX.
  4. L’Entrée triomphante de Leurs Majestés Louis XIV et Marie-Thérèse dans la ville de Paris. Paris, 1662, in fo.
  5. Théât. des antiq. de Paris, par R. P. F. Jacques Du Breul, Paris, 1612, p. 36.