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Nous voyons se reproduire à Notre-Dame de Chartres un fait analogue à ceux signalés dans la construction des cathédrales de Paris et de Bourges. Non-seulement les architectes du XIIIe siècle conservèrent les deux clochers occidentaux de l’église du XIIe siècle, mais ils ne voulurent pas laisser perdre les trois belles portes qui donnaient entrée dans la nef et étaient autrefois placées au fond d’un porche en A (voyez le plan). On voit encore entre les deux tours la trace des constructions de ce porche et l’amorce du mur de face. Les trois portes, avec leurs belles statues, les tympans, voussures et fenêtres qui les surmontent, replacées sur l’alignement des deux clochers, furent couronnées par une rose s’ouvrant sous la voûte de la nef centrale. La construction de la cathédrale de Chartres fut conduite avec une incroyable rapidité. L’empressement des populations, des seigneurs et souverains, à mener l’œuvre à fin ne fut nulle part plus actif. Aussi, cet édifice présente-t-il une grande homogénéité de style ; il devait être complétement achevé vers 1240[1]. De 1240 à 1250, on ajouta des porches aux deux entrées des transsepts ; la sacristie fut bâtie au nord, proche le chœur, à la fin du XIIIe siècle, et, vers le milieu du XIVe siècle, on éleva, derrière l’abside, la chapelle Saint-Piat à deux étages. C’est aussi pendant la seconde moitié du XIIIe siècle que fut posé l’admirable jubé qui fermait l’entrée du chœur il y a encore un siècle[2].

À Notre-Dame de Chartres, la nef est courte comparativement au chœur ; c’est probablement pour lui donner deux travées de plus que l’ancien porche de la façade fut supprimé et les portes avancées au nu du mur extérieur des tours. Voulant conserver, pour bâtir le chœur, la crypte qui lui sert de fondations et les deux belles tours occidentales, il n’était pas possible de donner à l’église une plus grande longueur.

Aux quatre angles du transsept, quatre tours B furent commencées (voy. fig. 12, présentant le plan du premier étage de la moitié du chœur et des transsepts de la cathédrale de Chartres) ; elles restèrent inachevées, ainsi que la tour centrale qui, probablement, devait s’élever sur les quatre gros piliers C de la croisée. Deux autres tours A furent élevées sur les deux dernières travées du second bas-côté du chœur précédant les chapelles absidales ; ces tours restèrent également inachevées à la hauteur des corniches supérieures du chœur. C’étaient donc neuf tours qui accompagnaient la grande cathédrale du pays chartrain. Les tours situées en A, en avant du rond-point, appartiennent à une disposition normande ; beaucoup d’églises de cette province possédaient des tours ainsi élevées sur les bas-côtés au delà des transsepts. Ce monument, complétement achevé avec ses neuf flèches se surpassant en hauteur jusqu’à la flèche centrale, eût produit un effet prodigieux.

Une seule chapelle fut élevée au sud, entre les contreforts de la nef, en

  1. Notre-Dame de Chartres fut dédiée seulement le 17 octobre 1260.
  2. Des fragments de ce jubé ont été découverts en grand nombre sous le dallage ; ils sont de la plus grande beauté, et déposés aujourd’hui dans la crypte et sous la chapelle Saint-Piat (voy. Jubé).