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avait été percée au bas du pignon et la rose supérieure ouverte. Ce ne fut guère qu’en 1238, lorsqu’une nouvelle impulsion fut donnée aux travaux par l’évêque Arnoult, que l’on songea à terminer la façade occidentale. Mais déjà, probablement, on pressentait l’épuisement des ressources, si abondantes pendant le règne de Philippe-Auguste, et les projets primitifs furent restreints. L’examen de l’édifice ne peut laisser de doutes à cet égard.

En jetant les yeux sur le plan (fig. 19) nous voyons une ligne E F tirée parallèlement au pignon du portail ; c’est la limite de l’arrachement de l’ancienne façade projetée contre lequel on est venu plaquer le portail actuel. De cette modification au projet primitif, il résulte que les deux tours G H, au lieu d’être élevées sur un plan carré comme toutes les tours des cathédrales de cette époque, sont barlongues, moins épaisses que larges ; ce ne sont que des moitiés de tours dans toute leur hauteur, et les deux contreforts, qui devaient se trouver, latéralement, dans les milieux de ces tours, sont devenus contreforts d’angles. La preuve la plus certaine de cette modification apportée au projet de Robert de Luzarches, c’est que les fondations existent sous le périmètre total des tours telles qu’elles sont indiquées sur le plan présenté ici. De la façade primitive, il ne reste que le trumeau et les deux pieds-droits de la porte centrale, sur lesquels sont sculptées les vierges sages et folles, et l’entourage de la grande rose percée sous la maîtresse voûte. Les trois porches, si remarquables d’ailleurs, les pinacles qui les surmontent, la galerie à jour et la galerie des rois, datent de 1240 environ, ainsi que l’étage inférieur des tours. Quant aux parties supérieures de ces tours et à la galerie entre deux, ce sont des constructions successivement élevées pendant le XIVe siècle. Ce fut aussi pendant le XIVe siècle que l’on ferma les parties supérieures des pignons des deux transsepts qui probablement étaient restées inachevées, et que l’on construisit des chapelles entre les contreforts de la nef, adjonction funeste à la conservation de l’édifice et qui détruisit l’unité et la grandeur de cet admirable vaisseau. Le XIVe siècle vit encore exécuter les balustrades supérieures du chœur et de la nef. Les balustrades des chapelles et les meneaux des deux roses occidentale et méridionale, la consolidation de la rose septentrionale furent entrepris au commencement du XVIe siècle. Le clocher central en pierre et charpente, posé sur les quatre piliers de la croisée, sous l’épiscopat d’Arnoult, vers 1240, fut détruit par la foudre le 15 juillet 1527. On craignit un instant que le sinistre ne s’étendît à toute la cathédrale ; heureusement les progrès du feu furent promptement arrêtés, grâce au dévouement des habitants d’Amiens.

Ce fut en 1529 que fut reconstruite la flèche actuelle, en charpente recouverte de plomb, par deux charpentiers picards, Louis Cordon et Simon Taneau (voy. Flèche).

Nous avons dit que Robert de Luzarches avait pu voir non-seulement les fondations de sa cathédrale, mais aussi quelques mètres du pignon du transsept sud, élevés au-dessus du sol. En effet, le portail percé à la base