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rable. Les chapiteaux des cloîtres romans sont presque toujours doubles, les colonnes supportant les arcatures des galeries étant jumelles ; et, dans ce cas, ces chapiteaux ne sont souvent qu’une frise sculptée supportée par un rang de feuilles au-dessus de chacune des astragales. Quelques-uns des chapiteaux déposés dans le musée de Toulouse et provenant, dit-on, du cloître de Saint-Sernin (XIIe siècle), sont ainsi composés.

Nous donnons (19) une copie de l’un d’eux. Il représente une chasse à l’ours au milieu d’enroulements d’un goût exquis. L’ours est remarquablement imité, contrairement aux habitudes des sculpteurs du XIIe siècle, qui donnaient presque toujours à leurs animaux une forme conventionnelle ; on voit que le voisinage des Pyrénées a permis à l’artiste de prendre la nature sur le fait. Quant aux chapiteaux du cloître de Moissac, ils représentent des scènes diverses, dont les figurines sont sculptées avec la plus grande délicatesse, ou des ornements dans le genre de ceux du chapiteau de Saint-Sernin (fig. 18).

Mais, dans ces provinces méridionales, l’école des sculpteurs qui étaient arrivés, au XIIe siècle, à une si rare habileté, s’éteint pendant les guerres des Albigeois, et il nous faut retourner vers le Nord pour trouver la transition entre le chapiteau roman et le chapiteau appartenant au style ogival. Cette transformation suit pas à pas celle de l’architecture ; elle est, à cause de cela même, fort intéressante à étudier. Dans les provinces septentrionales, et particulièrement dans le domaine royal, la sculpture avait atteint, au XIIe siècle, une perfection d’exécution qui ne le cède guère aux écoles méridionales. Toutefois, dans les chapiteaux de cette époque et appartenant aux édifices de ces contrées, les figures sont rares, l’ornementation, composée de feuillages ou d’enroulements, domine. L’influence du chapiteau corinthien antique se fait souvent sentir, mais elle est déjà soumise à des formes particulières ; c’est plutôt un souvenir qu’une imitation. L’artiste adopte un galbe, certaines dispositions des masses qui lui appartiennent ; il ne tâtonne plus, il a trouvé un type auquel il se soumettra de plus en plus jusqu’au moment où il abandonnera complètement les dernières traces de l’art romain. La transition entre le chapiteau roman plus ou moins fidèlement inspiré de la tradition antique, et le chapiteau appartenant à l’art ogival, peut être observée dans un assez grand nombre d’édifices construits pendant la première moitié du XIIe siècle.

Nous prendrons un exemple, entre beaucoup d’autres analogues, dans l’église de Sainte-Madeleine de Châteaudun (20). Les piliers de la nef de cette église (côté nord) sont cantonnés de colonnes engagées de diamètres différents ; cependant tous les chapiteaux pris dans la même assise sont de la même hauteur, qu’ils appartiennent aux grosses ou minces colonnes. La corbeille du chapiteau de la colonne mince s’entoure de feuilles peu recourbées à leur extrémité, tandis que déjà le chapiteau de la grosse colonne retourne vigoureusement les bouts de ses feuilles de façon à former, à chaque extrémité, une masse assez volumineuse pour accrocher