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[charpente]
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la fin du XIIIe siècle, qui a la plus grande analogie avec celle-ci et qui est de même exécutée avec une rare perfection. Mais les difficultés étaient autres et plus sérieuses lorsqu’il s’agissait de dresser une charpente sur une de ces nefs, telle, par exemple, que celle de la cathédrale de Reims. Sous le règne de Louis XI, un incendie détruisit toutes les couvertures de cet édifice ; on les reconstruisit à neuf vers la fin du XVe siècle et le commencement du XVIe. Alors l’art de la charpenterie était arrivé à son apogée ; l’esprit des constructeurs s’était particulièrement appliqué à perfectionner cette branche de l’architecture, et ils étaient arrivés à produire des œuvres remarquables au double point de vue de la combinaison et de l’exécution. Le bois se prêtait mieux que toute autre matière aux conceptions architectoniques du XVe siècle, et on l’employait à profusion dans les constructions civiles et religieuses ; il ne faut donc pas s’étonner si, à cette époque, les charpentiers étaient arrivés à un degré d’habileté supérieur.

Nous donnons (14) une coupe transversale et une coupe longitudinale de la charpente de la cathédrale de Reims. Les fermes sont taillées sur un triangle qui n’a pas moins de 14m,40 de base sur 15m,50 de hauteur du sommet à la base ; les arbalétriers et les chevrons ont 17m,00. La coupe longitudinale C est faite dans l’axe sur le poinçon ; celle D est faite suivant la ligne ponctuée A B ; la coupe transversale est faite entre deux fermes. La partie inférieure des chevrons de E en F est appuyée sur deux cours de pannes portées par une contre-fiche G posée sous l’arbalétrier et venant s’assembler dans l’entrait et à la tête d’un poteau H. Ce poteau est suspendu par les sous-arbalétriers moises I, et suspend lui-même l’entrait en K au moyen de deux moises pendantes et des clefs de bois, ainsi que l’indique la coupe longitudinale D. Il reçoit à son sommet deux entre-toises L M qui arrêtent le déversement de la partie intermédiaire de la charpente au moyen de liens et de croix de Saint-André. Dans la partie supérieure, le fléchissement des chevrons est seulement arrêté par des jambettes N et des entraits retroussés O. Quant aux arbalétriers des fermes, ils sont rendus rigides par deux entraits retroussés P R, des jambettes S et des esseliers T. Un sous-faîte U, assemblé à la tête des grands poinçons, règle en leur servant d’appui les bouts supérieurs des chevrons assemblés à mi-bois. Un second sous-faîte V et des croix de Saint-André maintiennent le sommet des fermes dans leur plan vertical. Les grands poinçons suspendent les entraits au milieu de leur portée au moyen de longues moises pendantes, serrées par plusieurs clefs de bois. On ne voit, dans toute cette charpente, aucune ferrure ; elle est (eu égard à sa grande dimension) fort légère, et les bois employés sont d’une qualité supérieure, parfaitement équarris et assemblés. Toute sa force consiste dans ces sous-arbalétriers-moises I qui sont d’un seul morceau et n’ont pas moins de 14m,50 de longueur. Les équarrissages ne dépassent pas 0,22 c. pour les plus grosses pièces, huit pouces de l’ancienne mesure. On voit que, dans la charpente de la cathédrale de Reims, les pannes sont déjà employées, non point posées sur l’arbalétrier,