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artiste de faire de la peinture de son temps, et dans laquelle certainement il ne cherchait pas l’imitation archéologique. Il n’est pas donné à tous les artistes d’atteindre à cette hauteur, et nous nous garderons bien de le reprocher à ceux qui, depuis trois siècles, font de la peinture ou de la sculpture sacrée ; mais ce qu’on eût été peut-être en droit de leur demander, c’est l’étude de ces types si admirablement interprétés dans quelques œuvres du moyen âge, surtout en France. Depuis la renaissance, on s’est plu à peindre des Christ ou jolis ou terribles. Michel-Ange, dans son Jugement dernier, a fait du Christ une sorte d’Hercule en colère qui se démène sur son trône et s’occupe exclusivement des damnés qu’il envoie d’un geste furieux à tous les diables. Puis sont venus les Christ-Apollon, puis les Christ-mignards au visage efféminé, aux cheveux parfumés, à la démarche molle. De notre temps, on a cherché des inspirations plus pures. Mais peut-être nos artistes feraient-ils sagement d’aller de temps à autre voir les Christ de Chartres, d’Amiens, de Paris ; si ces visites ne font pas naître de nouveaux chefs-d’œuvre, elles nous éviteront cette pâle et maladive physionomie que l’on se plaît à donner au Sauveur aujourd’hui, ces traits de songe-creux, indécis et ennuyés, plutôt tristes que sérieux, ce port plutôt famélique que gracieux. Certes, la lecture des Évangiles est bien loin de tracer dans l’esprit un pareil portrait. La devise du moyen âge, « Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat, » toute triomphante qu’elle soit, est faite pour relever la statuaire et laisser une vivante et franche empreinte dans l’âme des fidèles, tandis que la vue d’une nature étiolée, pauvre et souffreteuse, inspire du mépris aux âmes énergiques et affaiblit encore les âmes faibles.

CIMETIÈRE, s. m. Enclos consacré dans lequel on ensevelit les morts. Il était d’usage, chez les Grecs et les Romains, de brûler les cadavres, de renfermer leurs cendres dans des urnes de marbre, de pierre ou de terre cuite, ou dans des sarcophages, et d’entourer ces restes de monuments élevés à la mémoire du défunt, ou au milieu de cavités pratiquées dans le roc. Les villes antiques, comme Syracuse, Agrigente, Athènes, Rome, sont entourées encore de nombreuses excavations ou de monuments qui servaient de dernière demeure aux morts de la cité. Les premiers chrétiens ne brûlèrent pas les cadavres. Comment l’eussent-ils pu faire ? À Rome, réfugiés dans les catacombes, vastes carrières antiques, où ils célébraient leurs saints mystères ; ils voulurent y déposer les restes de leurs martyrs et de leurs frères en religion morts de mort naturelle. À cet effet, ils creusèrent dans les parois de ces souterrains immenses des cavités de la grandeur d’un corps humain, et, après y avoir déposé les cadavres, ils scellaient l’ouverture soit avec une dalle de pierre ou de marbre, soit au moyen d’une simple cloison de maçonnerie. C’est ainsi que l’idée d’être enseveli près des lieux consacrés au culte prit racine chez les premiers chrétiens.

Saint Augustin dit, dans son livre : « De cura pro mortuis agenda, »