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[clocher]
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fallait bien, afin de donner une proportion convenable au clocher, élever son sommet à une grande hauteur.

Malheureusement, des grands clochers normands élevés sur la croisée des églises antérieurement à la fin du XIIe siècle, il ne nous reste que des fragments, des traces noyées dans des constructions postérieures, ou tout au plus les étages inférieurs[1]. Ces clochers étaient carrés, percés d’un ou de deux étages de fenêtres éclairant l’intérieur de l’église. À proprement parler, le clocher ne commençait qu’au-dessus de ces étages, qui participaient du vaisseau intérieur.

Nous nous occuperons d’abord de ces clochers centrals, qui paraissent avoir été adoptés en France, dans les provinces du centre, de l’est et en Normandie, vers le commencement du XIe siècle. Nous avons donné, fig. 1, le clocher de la cathédrale de Périgueux, qui date de la fin du Xe siècle ou du commencement du XIe. Ainsi que nous l’avons dit, cette construction eut une influence sur la plupart de celles qui furent élevées, pendant les XIe et XIIe siècles, dans le Périgord, la Saintonge, l’Angoumois et le Poitou. Mais les imitateurs évitèrent les vices de construction que l’on remarque dans ce clocher et qui avaient nécessité le bouchement de presque tous ses ajours ; ils cherchèrent, au contraire, à donner à leurs clochers une grande solidité, au moyen d’angles puissants en maçonnerie et de combinaisons ingénieuses. Les architectes de ces provinces, soit qu’ils fussent influencés par la position donnée au clocher de Saint-Front de Périgueux, bâti à cheval sur l’ancienne église latine, soit qu’ils eussent reconnu que le centre de la croisée des églises est le point le plus résistant et le mieux contrebutté de ces monuments, bâtirent de préférence leurs clochers à l’intersection des transsepts, à l’entrée du chœur, sur la dernière travée renforcée de la nef.

Il existe encore, sur l’église de l’abbaye des Dames, à Saintes, un gros clocher, de la fin du XIe siècle, qui, rappelant encore les dispositions primitives du clocher de Saint-Front, est déjà franchement roman et abandonne les formes antiques qui caractérisent le clocher de Périgueux.

Nous donnons (14) une vue de ce clocher. Il se compose, au-dessus des voûtes de l’église, d’un étage carré percé sur chaque côté de trois arcades soutenues par des piles formées de colonnes engagées. Une voûte hémisphérique porte, comme à Saint-Front, un étage circulaire, non plus composé d’un quillage de colonnes, mais de douze petits contreforts cylindriques, entre lesquels s’ouvrent des arcades divisées par une colonne. Cet étage est surmonté du chapeau conique légèrement convexe, couvert d’écailles retournées, comme celui de Saint-Front. Mais ici l’architecte,

  1. On voit encore, au-dessus de la voûte de la croisée de la cathédrale de Bayeux, la souche du clocher, du commencement du XIIe siècle, noyée dans les constructions du XIIIe, qui indique que ce clocher primitif avait la même base que celui actuel, reconstruit à diverses époques.