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[clocher]
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des différentes parties du clocher de Vernouillet sont étudiées par un véritable artiste et contrastent avec les étages divisés en zones égales des clochers de l’Est, avec les couronnements écrasés de ceux des provinces de l’Ouest. Les détails des moulures et de l’ornementation, bien exécutés, fins et fermes à la fois, sont habilement calculés pour la place qu’ils occupent ; si bien que ce clocher, qui est d’une dimension très-exiguë, paraît grand, et grandit le très-petit édifice qu’il surmonte au lieu de l’écraser. On reconnaît là, enfin, l’œuvre d’artistes consommés, de constructeurs savants et habiles. Un clocher de cette époque, bâti sur la croisée d’une cathédrale, et suivant ces données si heureuses, devait être un monument de la plus grande beauté ; malheureusement, nous n’en possédons pas un seul en France. Les incendies et la main des hommes, plus que le temps, les ont tous détruits, et nous ne trouvons plus, sur nos grands édifices religieux, que les souches et les débris de ces belles constructions. La cathédrale de Coutances seule a conservé son clocher central du XIIIe siècle ; encore n’est-il pas complet ; sa flèche en pierre fait défaut. Quant à son style, il appartient à l’architecture normande et s’éloigne beaucoup du caractère de l’architecture française.

Ce n’est que dans l’Île de France et les provinces voisines que l’on voit les clochers centrals, aussi bien que ceux de façades, prendre tout à coup un caractère aussi déterminé dès la fin du XIIe siècle et abandonner les traditions romanes. Dans la Champagne, la Bourgogne, sur les bords de la haute Marne, de la Saône, les clochers centrals restent carrés et se terminent le plus habituellement par des pyramides à base rectangulaire jusqu’au commencement du XIIIe siècle. Le clocher central de l’église de Châteauneuf (Saône-et-Loire), bâti vers le milieu du XIIe siècle, est un exemple de ces sortes de constructions. Il se compose d’un soubassement plein en moellons, avec angles en pierre, posé, suivant l’usage, sur les quatre piliers de la croisée et les quatre arcs doubleaux ; d’un étage percé d’une seule baie sur chaque face ; d’un beffroi percé de quatre baies jumelles et d’une pyramide à base carrée maçonnée en moellons avec quatre lucarnes.

Voici (33) l’élévation géométrale de ce clocher central. On remarquera la disposition des baies du premier étage ; il y a là, comme dans les détails de l’architecture romane de ces contrées, un souvenir des monuments gallo-romains. Ici, les angles de l’étage du beffroi sont flanqués de pilastres portant la corniche ; c’est encore un souvenir de l’antiquité romaine.

La coupe de ce clocher, que nous donnons (34), laisse voir à la base de la pyramide en pierre les traces d’un chaînage en bois, sorte d’enrayure qui était destinée à arrêter le déversement des quatre murs sous la charge de cette pyramide. Il faut remarquer la disposition originale des faisceaux de colonnettes qui séparent les baies jumelles de l’étage du beffroi, disposition indiquée en A dans le plan de cet étage (35). Les constructeurs obtenaient ainsi une grande légèreté apparente en même temps qu’une