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exprime notre pensée) de la construction française. Ce principe, découvert et mis en pratique une fois, eut des conséquences auxquelles les architectes ne posèrent de limites que celles données par la qualité des matériaux, et encore dépassèrent-ils parfois, grâce à leur désir d’appliquer le principe dans toute sa rigueur logique, ces limites matérielles.

Voyons maintenant le clocher de la Trinité en dehors (56). Bien que déjà les baies soient fermées par des archivoltes en tiers-point peu prononcé, son aspect est roman ; son étage supérieur octogonal sous la flèche nous rappelle les couronnements des clochers de Brantôme et de Saint-Léonard, avec leurs gâbles pleins sur les grandes baies principales, et les pinacles des clochers de l’Ouest. Les archivoltes de ces pinacles, ainsi que ceux de l’arcature sous la pyramide, sont plein-cintre. Mais la pyramide devient très-aiguë ; elle est renforcée de nerfs saillants sur ses angles et sur le milieu de ses faces ; elle n’est plus bâtie en moellons, conformément à la vieille tradition romane, mais en pierres bien appareillées, et ne porte, dans cette énorme hauteur, que 0,50 c. d’épaisseur à sa base et 0,30 c. à son sommet.

Nous donnons (57) le plan horizontal du clocher de la Trinité pris au niveau des pinacles. Ceux-ci, comme le démontre ce plan, sont portés sur des colonnettes alternativement simples et renforcées d’un petit pilier carré ; leur plan est circulaire. C’est encore là un dernier vestige des traditions du Périgord. On observera que l’escalier en pierre accolé à la tour ne monte que jusqu’au-dessus de la voûte de l’étage inférieur (fig. 53). Conformément aux habitudes romanes, on ne montait dans le beffroi en charpente que par des échelles de bois.

Du clocher de la Trinité de Vendôme, nous sommes amenés au vieux clocher de la cathédrale de Chartres, le plus grand et certainement le plus beau des monuments de ce genre que nous possédions en France. Admirablement construit en matériaux excellents et bien choisis, il a subi deux incendies terribles et a vu passer sept siècles sans que sa masse et les détails de sa construction aient subi d’altérations apparentes. Mais, avant de décrire ce dernier clocher, il est bon de faire connaître ses diverses origines.

Nous avons vu qu’à Vendôme l’influence des monuments de l’Ouest se faisait encore sentir. À Chartres, cette influence est moins sensible qu’à Vendôme ; mais, d’un autre côté, les styles normand et de l’Île de France prennent une plus grande place. Jusqu’au XIIIe siècle, les clochers normands qui ne sont pas posés sur la croisée des églises montent de fond, ainsi que les clochers de l’Ouest. Ce sont des tours carrées renforcées de contreforts peu saillants, étroites comparativement à leur hauteur, percées de baies rares dans les substructions, décorées d’arcatures aveugles sous les beffrois, et présentant, au sommet, une suite d’étages d’égale hauteur, terminés par des pyramides carrées.

Les deux beaux clochers de l’église abbatiale de la Trinité à Caen, ceux de la cathédrale de Bayeux, conservent, malgré les adjonctions et modifi-