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cathédrale de Paris, connus de tous sous la dénomination des tours de Notre-Dame, n’ont été élevés que jusqu’à la base des flèches en pierre qui les devaient couronner ; leur construction peut être comprise entre les années 1225 et 1235, de la base de la grande galerie à jour au sommet, Ces tours demeurent carrées jusqu’à la souche de la flèche ; leurs angles sont renforcés de contre-forts, et des baies jumelles occupent, sur chaque face, toute la hauteur comprise entre la grande galerie à jour et la corniche supérieure. Des encorbellements intérieurs, passant du carré à l’octogone, devaient porter les flèches. On ne saurait trop admirer la grandeur et la simplicité de cette belle construction, si bien disposée pour recevoir des cloches et laisser passer au dehors l’éclat de leur son. Le beffroi en charpente, assis sur une retraite ménagée au niveau de la grande galerie à jour, portant sur une maçonnerie épaisse et déchargée par des arcs, ne peut causer aucun ébranlement aux piliers des tours qui font comme une enveloppe parfaitement indépendante autour de ce beffroi[1]. Cette disposition du plan carré des tours jusqu’à la base de la pyramide de couronnement, au commencement du XIIIe siècle ; appartient exclusivement à l’Île-de-France. Sur les bords de l’Oise, on avait adopté déjà le plan octogone pour les parties supérieures des beffrois dès le commencement du XIIIe siècle[2], avec de grands pinacles à jour sur les angles des souches carrées. La cathédrale de Laon, contemporaine de celle de Paris, et dont le style d’architecture a la plus grande affinité avec celui de Notre-Dame, possède quatre tours terminées par des beffrois octogones, flanqués, sur les faces parallèles aux diagonales du carré, de pinacles à deux étages ajourés.

Voici (73) l’élévation d’un des clochers de la façade de la cathédrale de Laon prise au-dessus de la voûte de la nef. Des flèches en pierre, qui n’existent plus et dont nous indiquons l’amorce dans notre figure, surmontaient ces tours. Sur le second étage des pinacles à jour sont placés des animaux de dimension colossale qui représentent des bœufs ; on croit que le chapitre de Notre-Dame de Laon fit sculpter et poser ces figures en reconnaissance du labeur des animaux qui avaient monté péniblement les matériaux de la cathédrale au sommet de la montagne qu’elle couronne[3]. La légende (car il y a toujours quelque légende attachée à la construction des grands édifices du moyen âge) prétend que plusieurs bœufs s’attelèrent d’eux-mêmes à des matériaux d’un poids considérable laissés en bas de l’escarpement et les montèrent courageusement jusque dans le chantier. Nous ne garantissons pas le fait ; mais la pensée du chapitre et du maître de l’œuvre de la cathédrale de Laon est trop dans l’esprit de l’époque, pour que nous puissions voir, dans la présence de ces

  1. Voy., au mot Beffroi, les fig. 9 et 10 qui donnent les coupes du beffroi de la tour méridionale et de la maçonnerie qui l’enveloppe.
  2. Même avant cette époque, ainsi que le fait voir le clocher de Tracy-le-Val, fig. 49.
  3. Voy. Animaux, fig. 3.