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CONDUITE, s. f. Tuyau de métal, de terre cuite ou de pierre, servant à conduire les eaux soit sur un plan horizontal, soit verticalement du sommet d’un édifice à sa base.

Les Romains disposaient souvent des conduites verticales dans leurs grands monuments pour se débarrasser des eaux pluviales à travers les constructions. Les amphithéâtres et les théâtres particulièrement, qui présentaient une surface considérable de gradins exposés directement à la pluie, possédaient de distance en distance des égouts verticaux simplement perforés à travers la maçonnerie qui amenaient les eaux sur le sol. Dans les édifices d’une construction plus simple, les temples, les basiliques et les habitations particulières, les eaux pluviales tombaient des toits sur le sol librement, soit à l’extrémité de la couverture, soit en passant à travers de petites gargouilles percées dans des chéneaux de pierre ou de terre cuite. Ce moyen si naturel fut employé par les architectes romans, qui ne construisirent guère que des édifices d’une grande simplicité de plan et couverts par des combles à deux égouts. Cependant il était certaines circonstances où l’on sentait le besoin de recueillir les eaux de pluie et par conséquent de les diriger. Dans les cloîtres des abbayes, dans les cours des châteaux, bâtis souvent sur des lieux élevés, les sources manquaient, et on ne pouvait se procurer des approvisionnements d’eau qu’à la condition de creuser des citernes dans lesquelles on conduisait les eaux des combles, en évitant de les faire passer sur le sol, afin de les avoir aussi pures que possible. Alors, établissant des chéneaux de pierre ou de bois à la chute des combles, les constructeurs élevaient, de distance en distance, des piles creuses munies à leur sommet d’une cuvette qui recevait les eaux amenées par les pentes de ces chéneaux. Ces piles étaient presque toujours isolées, ne participaient pas à la construction, et on évitait ainsi les infiltrations lentes mais très-funestes de l’humidité dans les bâtisses. Nous avons encore vu, le long du mur du collatéral sud de la nef de l’église abbatiale de Vézelay, des conduites isolées destinées à diriger les eaux pluviales tombant sur les combles dans la citerne creusée au centre du cloître. Ces conduites n’appartenaient pas à la construction primitive, mais à l’époque où le cloître fut construit, c’est-à-dire à la fin du XIIe siècle. Elles étaient bâties en assises de pierre carrées, percées au centre d’un trou cylindrique, avec entailles circulaires dans les lits pour recevoir le ciment.

Voici quelle était (1) la forme extérieure de ces conduites : en A on voit une des pierres avec l’entaille circulaire de son lit. Nous avons souvent vu, dans des châteaux des XIIe et XIIIe siècles, des conduites carrées en pierre ménagées dans l’épaisseur des constructions (conduites qu’il ne faut pas confondre avec les porte-voix), et qui étaient destinées à envoyer dans des citernes les eaux pluviales tombant sur les combles. Lorsqu’au XIIIe siècle la construction des églises dut présenter des combinaisons compliquées, des surfaces très-considérables de combles recevant les eaux pluviales, les architectes songèrent tout d’abord à se débarrasser des eaux