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[chateau]
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Ki bien le porreient desfendre
Ke Reis ne Quens ne porreit prendre[1]. »

Après une tentative infructueuse du roi de France pour faire lever le blocus, le comte Guillaume fut obligé de capituler faute de vivres :

« Willame d’Arches lungement
Garda la terre è tint forment,
E plus lungement la tenist,
Se viande ne li fausist :
Maiz pur viande ki failli,
Terre è chastel è tur guerpi ;
Al Duc Willame tut rendi,
Et al Rei de France s’enfui. »

Il n’était guère possible, en effet, avec les moyens d’attaque dont on disposait alors, de prendre un château aussi bien défendu par la nature et par des travaux d’art formidables.

Nous donnons (5) une vue cavalière du château d’Arques tel qu’il devait être au XIe siècle, prise en dehors de la porte de Dieppe, et en supprimant les défenses postérieures ajoutées de ce côté. On comprendra ainsi plus facilement les dispositions intérieures de cette place forte.

Déjà, du temps de Guillaume le Bâtard, les barons normands construisaient donc de vastes châteaux de maçonnerie possédant tout ce qui constitue les places de ce genre au moyen âge : fossés profonds et habilement creusés, enceintes inférieures et supérieures, donjon, etc. Le duc de Normandie, pendant les longues luttes du commencement de son règne, éleva des châteaux, ou tout au moins des donjons, pour tenir en bride les villes qui avaient pris parti contre lui :

« E il fist cax è pierre atraire ;
Iloec (au Mans) fist une tur faire[2] »

Après la descente en Angleterre, l’établissement des châteaux fut un des moyens que Guillaume le Conquérant employa pour assurer sa nouvelle royauté, et ce fut, en grande partie, à ces forteresses élevées sur des points stratégiques ou dans les villes mêmes qu’il dut de pouvoir se maintenir au milieu d’un pays qui tentait chaque jour des soulèvements pour chasser l’étranger et reconquérir son indépendance. Mais beaucoup de seigneurs, du moment que la guerre générale était terminée, tenant ces châteaux en fief, se prenaient de querelle avec leurs voisins, faisaient des excursions sur les terres les uns des autres, et en venaient à s’attaquer dans leurs places fortes. Ou bien, mécontents de voir la faveur du suzerain

  1. Le Roman de Rou, Rob. Wace, vers 8 600 et suiv.
  2. Le Roman de Rou, vers 10 211.