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était enfilé et dominé par les quatre tours D D C C. Les deux tours C C commandaient certainement les deux tours D D[1]. On observera que l’ouvrage avancé ne communiquait pas avec les dehors, mais seulement avec la basse-cour du château. C’était là une disposition toute normande, que nous retrouvons à la Roche-Guyon. La première enceinte E du château, en arrière de l’ouvrage avancé, et ne communiquant avec lui que par un pont de bois, contenait les écuries, des communs et la chapelle H ; c’était la basse-cour. Un puits était creusé en F ; sous l’aire de la cour en G sont taillées, dans le roc, de vastes caves, dont le plafond est soutenu par des piliers de réserve, qui prennent jour dans le fossé I du château et qui communiquent, par deux boyaux creusés dans la craie, avec les dehors. En K s’ouvre la porte du château ; son seuil est élevé de plus de deux mètres au-dessus de la contrescarpe du fossé L. Cette porte est masquée pour l’ennemi qui se serait emparé de la première porte E, et il ne pouvait venir l’attaquer qu’en prêtant le flanc à la courtine I L et le dos à la tour plantée devant cette porte. De plus, du temps de Richard, un ouvrage posé sur un massif réservé dans le roc, au milieu du fossé, couvrait la porte K, qui était encore fermée par une herse, des vantaux, et protégée par deux réduits ou postes. Le donjon M s’élevait en face de l’entrée K et l’enfilait. Les appartements du commandant étaient disposés du côté de l’escarpement, en N, c’est-à-dire vers la partie du château où l’on pouvait négliger la défense rapprochée et ouvrir des fenêtres. En P est une poterne de secours, bien masquée et protégée par une forte défense O. Cette poterne ne s’ouvre pas directement sur les dehors, mais sur le chemin de ronde R percé d’une seconde poterne en S[2] qui était la seule entrée du château. Du côté du fleuve en T s’étagent des tours et flancs taillés dans le roc et munis de parapets. Une tour V, accolée au rocher, à pic sur ce point, se relie à la muraille X qui barrait le pied de l’escarpement et les rives de la Seine, en se reliant à l’estacade Y destinée à intercepter la navigation. Le grand fossé Z descend jusqu’en bas de l’escarpement et est creusé à main d’homme ; il était destiné à empêcher l’ennemi de filer le long de la rivière, en se masquant à la faveur de la saillie du rocher, pour venir rompre la muraille ou mettre le feu à l’estacade. Ce fossé pouvait aussi couvrir une sortie de la garnison vers le fleuve, et était en communication avec les caves G au moyen des souterrains dont nous avons parlé.

Une année avait suffi à Richard pour achever le château Gaillard et toutes les défenses qui s’y rattachaient. « Qu’elle est belle, ma fille d’un an ! » s’écria ce prince lorsqu’il vit son entreprise terminée[3]. L’examen

  1. Ces quatre tours sont dérasées aujourd’hui ; on n’en distingue plus que le plan et quelques portions encore debout.
  2. Les traces des défenses de ce chemin de ronde sont à peine visibles aujourd’hui. Nous avons eu le soin de n’indiquer que par un trait les ouvrages complétement dérasés.
  3. « Ecce quam pulchra filia unius anni !  » (Bromton, Hist. angl. scriptores antiqui,