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développements (XIIIe siècle). — À Dijon, il existe une église de médiocre dimension, sous le vocable de Notre-Dame ; elle fut bâtie vers 1220 ; c’est un chef-d’œuvre de raison où la science du constructeur se cache sous une simplicité apparente. Nous commencerons par donner une idée de la structure de cet édifice. Le chevet, sans collatéral, s’ouvre sur la croisée ; il est flanqué de deux chapelles ou absidioles orientées comme le sanctuaire, et donnant sur les transsepts dans le prolongement des bas-côtés de la nef.

L’abside de Notre-Dame de Dijon ne se compose, à l’intérieur, que d’un soubassement épais, peu élevé, portant des piles isolées reliées en tous sens, et n’ayant pour clôture extérieure qu’une sorte de cloison de pierre percée de fenêtres. Naturellement, les piles sont destinées à porter les voûtes ; quant aux cloisons, elles ne portent rien, elles ne sont qu’une fermeture. À l’extérieur, la construction ne consiste qu’en des contre-forts.

La fig. 75 donne une vue perspective de cette abside ; étant dépourvue de bas-côtés, les contre-forts contre-buttent directement la voûte sans arcs-boutants[1]. Ces contre-forts sont épais et solides ; en eux seuls réside la stabilité de l’édifice. Rien n’est plus simple d’aspect et de fait que cette construction. Des murs minces percés de fenêtres ferment tout l’espace laissé entre les contre-forts. Un passage extérieur en A est laissé pour faciliter les réparations des grandes verrières. Tous les parements sont bien garantis contre la pluie par des pentes sans ressauts et des corniches ou bandeaux. Ce n’est évidemment là qu’une enveloppe solide, un abri. Entrons maintenant dans l’église de Notre-Dame de

  1. On voudra bien nous permettre à ce sujet une observation : en appréciant le plus ou moins de mérite des édifices religieux gothiques, quelques critiques (qui ne sont pas architectes, il est vrai) ont prétendu que, des églises du moyen âge en France, la plus parfaite, celle qui indique de la part de l’architecte une plus grande somme de talent, est la Sainte-Chapelle de Paris, car cette église conserve une parfaite stabilité sans le secours des arcs-boutants ; et, partant de là, les mêmes critiques, heureux sans doute d’avoir fait cette découverte, ont ajouté : « L’arc-boutant, étai permanent de pierre, accusant l’impuissance des constructeurs, n’est donc qu’une superfétation barbare, un jeu inutile, puisque, même pendant le moyen âge, des artistes habiles ont su s’en passer. » L’argument est fort ; mais la Sainte-Chapelle n’a pas de bas-côtés ; partant, l’architecte n’était pas obligé de franchir cet espace et de reporter les poussées des grandes voûtes à l’extérieur en dehors de ces bas-côtés. C’est ainsi pourtant que l’on parle presque toujours d’un art qu’on ne connaît pas ; et la foule d’applaudir, car les praticiens ne croient pas qu’il soit nécessaire de réfuter de pareils arguments. Ils ont tort : une erreur répétée cent fois, fût-elle des plus grossières, mais répétée avec assurance, finit chez nous par être admise parmi les vérités les moins contestables ; et nous voyons encore imprimer aujourd’hui, de la meilleure foi du monde, sur les arts et en particulier sur l’architecture gothique, des arguments réfutés depuis longtemps par la critique des faits, par l’histoire, par les monuments et par des démonstrations appuyées sur la géométrie. Tout ce travail de la vérité qui veut se faire jour passe inaperçu aux yeux de certains critiques, qui prétendent probablement ne rien oublier et ne rien apprendre.