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Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/178

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[développements]
[construction]
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de Montbard, d’Anstrude ou de Dornecy, ou même, ce qui eût été possible, les pierres de Laversine, de Crouy, et certains bancs durs des bassins de l’Oise ou de l’Aisne, le chœur de Beauvais fût resté debout. Le maître de l’œuvre de Beauvais fut un homme de génie, qui voulut arriver aux dernières limites du possible en fait de construction de pierre ; ses calculs étaient justes, ses combinaisons profondément savantes, sa conception admirable ; il fut mal secondé par les ouvriers, les matériaux mis à sa disposition étaient insuffisants. Son œuvre n’en est pas moins un sujet d’études très-précieux, puisqu’il nous fournit le moyen de connaître les résultats auxquels le système de construction du XIIIe siècle pouvait atteindre. Nous avons donné, à l’article Cathédrale, fig. 22, le plan du chœur de Beauvais. Ce plan, si on le compare à celui de la cathédrale d’Amiens, fait voir que les deux travées parallèles voisines des piles de la croisée sont plus étroites que les deux suivantes ; le constructeur évitait ainsi des poussées trop actives sur les deux piles des transsepts formant entrée du chœur. Quant aux deux travées suivantes, elles ont une largeur inusitée (près de 9m, 00 d’axe en axe des piles). Le besoin de donner les espaces libres est si évident à Beauvais, que les piles du rond-point ne sont pas cantonnées de colonnettes latéralement pour recevoir les archivoltes, mais seulement dans le sens des rayons de l’abside pour recevoir les nerfs des grandes voûtes, les arcs doubleaux et arcs ogives du collatéral. Conformément à la méthode des constructeurs de cette époque, lorsqu’ils ne sont pas détournés de leurs théories par des questions d’économie, la fondation du chœur est admirablement faite. Les chapelles portent sur un massif plein, circulaire, revêtu de pierres de taille, comme à la cathédrale d’Amiens, présentant à l’extérieur un puissant empattement également revêtu de libages bien dressés et posés à bain de mortier. Cette précinction de maçonnerie pleine se relie au mur qui porte les piles isolées du sanctuaire par des murs rayonnants, sous le sol.

À la cathédrale d’Amiens, où nous avons pu examiner la fondation jusqu’au bon sol, nous avons trouvé, en dehors, le profil (100). En A est une couche de terre à brique de 0,40 c. d’épaisseur posée sur l’argile vierge ; en B est un lit de béton de 0,40 c. d’épaisseur ; puis, de C en D, quatorze assises de 0,30 à 0,40 c. d’épaisseur chacune, en libages provenant des carrières de Blavelincourt près d’Amiens. Cette pierre est une craie remplie de silice, très-forte, que l’on exploite en grands morceaux. Au-dessus, on trouve une assise E en pierre de Croissy, puis trois assises de grès sous le sol extérieur. Au-dessus du sol extérieur, tout l’édifice repose sur six autres assises de grès bien parementées et d’une extrême dureté. Derrière les revêtements de la fondation est un blocage de gros fragments de silex, de pierre de Blavelincourt et de Croissy, noyés dans un mortier très-dur et bien fait. C’est sur ce roc factice que repose l’immense cathédrale. À Notre-Dame de Paris, les fondations sont de même faites avec le plus grand soin, revêtues de forts libages d’une grande épaisseur, le tout reposant sur le bon sol, c’est-à-dire sur le sable