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[construction]
[développements]
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Voyons maintenant la partie supérieure de la construction du chœur de Saint-Urbain, car c’est là où l’architecte a déployé une sagacité remarquable. Si nous recourons à la fig. 103, nous observerons que les fenêtres hautes sont posées à l’aplomb du bahut du comble en I, que leurs archivoltes servent en même temps de formerets et d’arcs de décharge pour porter la charpente, que le chéneau K pose partie sur une saillie réservée au-dessus de cette archivolte et sur une claire-voie L établie à 0,50 c. environ en avant de la fenêtre. Voici (106) en A la face extérieure de cette claire-voie ; en B, la coupe faite suivant CDEF, Sur cette coupe, on trouve, en G la coupe de la fenêtre, son archivolte-formeret en H et la voûte en I. La claire-voie portant le chéneau K se compose d’un arc renforcé d’un gâble remplissant les fonctions de liens de charpente. Des cercles L ajourés contribuent à soutenir le chéneau dans la longueur de sa portée de E en M. Ce chéneau, à chaque travée, est seulement fait de deux morceaux de pierre se joignant au point culminant des pentes en N ; chacun de ces morceaux est taillé ainsi qu’il est indiqué en O, la portée sur la claire-voie ayant lieu de E′ en M′, et la partie P étant évidée et ne portant plus larmier pour laisser passer le sommet du gâble. L’appareil de ce gâble et des cercles à jour L est fidèlement tracé sur notre figure. Le fleuron, sa souche pénétrant dans la balustrade et la pointe des gâbles sont pris dans un seul morceau de pierre, afin d’ajouter un poids nécessaire à l’extrémité de l’appareil. Mais, pour éviter toute chance de déversement de ce gâble en dehors ; les deux morceaux de balustrade R ne sont pas posés suivant une ligne droite, mais forment un angle légèrement obtus, ainsi que l’indique le plan S ; T, étant la souche du fleuron, sommet du gâble, et R′R′ étant les deux morceaux de balustrade taillés chacun dans une seule dalle : ainsi, le sommet T du gâble ne peut se déverser en dehors, contre-butté qu’il est par les deux dalles à jour R′R′ qui s’appuient sur les sommets des contre-forts percés de gargouilles pour l’écoulement des eaux, ainsi qu’on le voit en V. C’est plutôt là une combinaison de charpente qu’une construction de maçonnerie ; mais n’oublions pas que la qualité de la pierre employée à Saint-Urbain se prête à une pareille structure, et que, grâce à ces artifices, l’architecte est arrivé à élever un monument d’une légèreté extraordinaire, qui ne se compose réellement

    Rien n’est plus ridicule que cet échafaudage de carton qui étale sa misère prétentieuse devant une des plus charmantes conceptions de l’art du XIIIe siècle à son déclin. La barbarie qui dévaste est certes plus dangereuse que la barbarie des auteurs du maître-autel de Saint-Urbain ; mais, cependant, que diraient les amis des arts en Europe, s’ils voyaient élever une façade en plâtre sculpté devant la façade occidentale de la cour du Louvre, sous le prétexte de l’embellir ? Que de progrès nous avons à faire encore pour ne plus mériter l’épithète de barbares que nous donnons si volontiers à des temps où certes on ne se serait jamais permis de masquer une œuvre exécutée avec intelligence, avec soin et talent, derrière une superfétation inutile, grossière par la matière et le travail, sans forme, sans goût, produit de l’ignorance mêlée à la plus ridicule vanité.