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[échauguette]
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gagner du temps aux ouvriers, leur donnent de la confiance, les obligent à plus de régularité, de méthode et de soin ; s’ils sont massifs, s’ils emploient le bois avec profusion, les ouvriers savent parfaitement le reconnaître ; ils jugent sur ce travail provisoire du degré de connaissances pratiques de leur chef et ne lui savent aucun gré de cet abus de moyens. Si, au contraire, des maçons sont appelés à travailler sur des échafauds hardis, légers en apparence, mais dont quelques jours d’épreuve suffisent pour reconnaître la solidité, ils apprécient bien vite ces qualités et comprennent que, dans l’œuvre, ce qu’on exigera d’eux, c’est du soin, de la précision, que l’on ne se contentera pas d'à-peu-près. Dans les restaurations d’anciens édifices, les échafauds demandent chez l’architecte une grande fertilité de combinaisons ; on ne saurait donc trop attirer leur attention sur cette étude : l’économie, l’ordre dans le travail, et, plus que tout cela, la vie des ouvriers en dépendent

ÉCHAUGUETTE, s. f. Eschauguette, eschargaite, escargaite, eschegaite, esgaritte, garite. Échauguette, au moyen âge, désignait la sentinelle.

« Servanz i mist è chevaliers,
Et eschargaites è portiers,
Puiz est repairiez à Danfront[1]. »


« Ses eschauguettes a li rois devisé[2]. »

Aussi la garde, le poste :

« Par l’escargaite Droom le Poitevin,
Le fil le roi en laissa fors issir[3]. »

On disait escargaiter pour garder, épier :

« L’ost escargaïte Salemon li Senés[4]. »

Pendant les XIVe, XVe et XVIe siècles, dans le nord de la France, les petites loges destinées aux sentinelles, sur les tours et les courtines, sont appelées indifféremment garites, escharguettes, pionnelles, esgarittes, maisoncelles, centinelles ou sentinelles, hobettes[5]. Ainsi le poste prend le nom de la qualité de ceux qu’il renferme.

Dans les plus anciennes fortifications du moyen âge, il y avait des

  1. Le Roman de Rou, vers 9 519 et suiv.
  2. Roman de Garin le Loherain. La leçon eschargaite est préférable ; elle est employée dans le même roman :

    « De l’échargaite, por Dieu, qu’en sera-t-il ? »

    Ce mot est formé de scara, interprété dans les monuments du VIIIe siècle par turma, acies, et de wachte, garde. Scaraguayta.

  3. Roman d'Ogier l’Ardenois, vers 1122 et suiv.
  4. Ibid., vers 10736.
  5. Archiv. de Béthune, de Péronne, de Noyon. Voy. Les artistes du nord de la France aux XIVe, XVe et XVIe siècles, par Al. de la Fons, baron de Mélicocq. Béthune,