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girouette. Son exécution est grossière, sans moules, le tout paraissant monté en terre à la main ; mais il faut reconnaître qu’à la hauteur à laquelle ces objets étaient placés, il n’était pas besoin d’une exécution soignée pour produire de l’effet. On allait chercher ces épis en fabrique, comme aujourd’hui on va chercher des pots à fleurs et toutes les poteries ordinaires, et on les employait tels quels. Bientôt ces formes parurent trop rigides, pas assez découpées ; les pinacles en pierre se couvraient de crochets saillants, les faîtages des combles se fleuronnaient ; on donna aux épis de terre cuite une apparence moins architectonique et plus libre ; on voulut y trouver des ajours, des saillies prononcées ; on fit leur tige principale plus grêle ; elle n’enveloppa plus le bout du poinçon en bois, mais une broche de fer.

L’emploi de la tuile était moins fréquent cependant, celle-ci étant remplacée par le métal ou l’ardoise ; les poinçons en terre cuite devenaient par conséquent moins communs.

Nous avons dessiné à Villeneuve-l’Archevêque, il y a plusieurs années, un poinçon en terre cuite, sur une maison qui datait du XVe siècle ; il était composé de trois pièces (5), complètement vernissé d’émail brun ; les joints étaient en A et B ; la tige de fer, qui maintenait la poterie, s’emmanchait sur un moignon du poinçon, ainsi qu’il est indiqué en C.

Le XVIe siècle remplaça les épis en terre cuite vernissée par des épis en faïence, c’est-à-dire en terre émaillée. Les environs de Lizieux en possédaient un grand nombre sortis des fabriques de la vallée d’Orbec[1] ; la plupart de ces objets ont été achetés par des marchands de curiosités qui les vendent aux amateurs comme des faïences de Palissy, et il faut aujourd’hui aller plus loin pour rencontrer encore quelques-uns de ces épis en faïence de la Renaissance, si communs il y a vingt ans. L’un des plus remarquables parmi ces produits de l’industrie normande se trouve au château de Saint-Christophe-le-Jajolet (Orne). Nous en donnons ici (6) une copie[2]. Cet épi en faïence se compose de quatre pièces dont les joints sont en A, B, C. Le tout est enfilé par une broche de fer. Le socle est jaune moucheté de brun, le vase est bleu clair avec ornements jaunes et têtes naturelles, les fleurs sont blanches avec feuilles vertes et graines jaunes, le culot est blanc, la boule jaune bistre et l’oiseau blanc tacheté de brun.

Les fabriques de faïences de Rouen, de Beauvais, de Nevers, fournissaient ces objets de décoration extérieure à toutes les provinces environnantes ; malheureusement l’incurie, l’amour de la nouveauté, la mode des combles dépourvus de toute décoration les ont fait disparaître, et les musées de ces villes n’ont pas su même en sauver quelques débris. Les idées nouvelles qui, au XVIe siècle, tendaient à enlever à notre architecture nationale son originalité, détruisaient peu à peu cette fabrication provin-

  1. Voy. le Bullet. monument. de M. de Caumont, t. XVI, Notes sur quelques procédés céramiques du moyen âge.
  2. Ce dessin nous a été fourni par M. Ruprich Robert.