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éclairer la haute nef. Il s’était astreint, dans les collatéraux, aux habitudes de son temps, c’est-à-dire qu’il avait percé des fenêtres terminées par des arcs en tiers-point, ne remplissant pas l’espace compris entre les piles ; il avait voulu laisser à ce soubassement l’aspect d’un mur. Mais nous voyons que dans la partie supérieure de son édifice il change de système ; d’une pile à l’autre il bande des formerets plein cintre, puis dans l’énorme espace vide qui reste à chaque travée au-dessus du triforium il élève deux larges fenêtres surmontées d’une grande rose, fig. 15 (voir la coupe C) : A est le formeret faisant archivolte à l’extérieur, doublée d’un grand arc D donnant l’épaisseur de la voûte V. L’entourage de la rose R reçoit en feuillure des dalles percées de quatre feuilles, et formant de larges claveaux. En B sont tracées les portées des arcs-boutants. Il est bon de comparer ces fenêtres avec celles données ci-dessus (fig. 14) ou celles anciennes, de la nef de la cathédrale de Paris, bien peu antérieures. On reconnaît dans cette construction de Notre-Dame de Chartres une hardiesse, une puissance qui contrastent avec les tâtonnements des architectes de l’Île-de-France et de la Champagne. C’est à Chartres où l’on voit, pour la première fois, le constructeur aborder franchement la claire-voie supérieure occupant toute la largeur des travées, et prenant le formeret de la voûte comme archivolte de la fenêtre. Simplicité de conception, structure vraie et solide, appareil puissant, beauté de forme, emploi judicieux des matériaux, toutes les qualités se trouvent dans ce magnifique spécimen de l’architecture du commencement du XIIIe siècle. N’oublions pas d’ailleurs que ces arcs, ces piles, ces dalles percées, sont faits en pierre de Berchère d’une solidité à toute épreuve, facile à extraire en grands morceaux, d’une apparence grossière ; ce qui ajoute encore à l’effet grandiose de l’appareil. On ne peut douter que la qualité des matériaux calcaires employés par les architectes de l’époque primitive gothique n’ait été pour beaucoup dans l’adoption du système de construction des grandes fenêtres. Ce qu’on faisait à Chartres au commencement du XIIIe siècle, on n’aurait pu le faire avec les matériaux des bassins de l’Oise, de la Seine, de l’Aisne et de la Marne. Dans ces contrées on ne songeait pas à employer les dalles percées, on ne le pouvait pas ; on accouplait les fenêtres, on les élargissait autant que possible, mais on n’osait encore les fermer avec des claires-voies de pierre. En Bourgogne, où les matériaux sont très-résistants, vers la seconde moitié du XIIe siècle, les roses se remplissaient de réseaux de dalles percées (voy. Rose, mais non les fenêtres. À Laon, vers 1150, les architectes balançaient encore entre les formes de fenêtres de l’époque romane et celles nouvellement percées dans les édifices religieux voisins, comme la cathédrale de Noyon, comme l’église abbatiale de Saint-Denis. Dans le mur pignon du transsept de l’église abbatiale de Saint-Martin à Laon, bien que la structure de l’édifice soit déjà gothique, nous voyons des fenêtres qui n’abandonnent pas entièrement les traditions romanes (16). Le plein cintre et l’arc brisé se mêlent, et l’école nouvelle ne se montre que dans la forme des moulures. Ici même, le plein