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moyens simples, de ce soin en toute chose qui n’excluent nullement les perfectionnements et leur viennent, au contraire, en aide.

Mais les exemples que nous venons de donner en dernier lieu sont tirés d’édifices privés ; cependant les architectes du moyen âge élevaient de vastes salles affectées à des services civils ou qui réunissaient à la fois les caractères religieux et civils. Telles étaient les salles synodales, grands vaisseaux destinés à des réunions nombreuses, où il fallait trouver de la lumière, de l’air, de grandes dispositions ; en un mot, ce qu’on demande dans nos salles de tribunaux. On voit encore, près la cathédrale de Sens, une de ces salles qui dépendait autrefois du palais archiépiscopal.

C’est vers 1245, sous le roi saint Louis, que fut bâtie la salle synodale de Sens. Sur la place publique, vers l’ouest, elle est éclairée par des fenêtres, admirables comme style d’architecture, parfaitement appropriées à leur destination et d’une construction qui montre la main d’un maître. Nous donnons (38) l’extérieur de ces fenêtres. La salle étant voûtée, les archivoltes de la baie sont concentriques aux formerets des voûtes, et disposées conformément au système champenois. Les vitraux compris dans les claires-voies A sont dormants, comme dans les fenêtres des édifices religieux ; mais les ouvertures B sont rectangulaires et garnies de châssis ouvrants, afin de permettre aux personnes placées dans la salle de donner de l’air et de regarder au dehors. À l’intérieur, ces fenêtres présentent le tracé perspectif (39). Cette belle composition se reproduit à l’extrémité méridionale de la salle, mais avec quatre travées au lieu de deux ; une immense claire-voie supérieure, d’une fermeté de style peu commune à cette époque, surmonte ces quatre ouvertures. On voit ici que les meneaux sont munis de renforts destinés à recevoir plusieurs targettes dans la hauteur des châssis ouvrants, afin d’empêcher le gauchissement de ces châssis[1]. On remarquera combien l’appareil de ces claires-voies est bien disposé pour présenter une grande solidité et pour éviter les évi-

  1. La restauration de cette salle admirable, mutilée par le temps et l’incurie des derniers siècles, a été entreprise par les soins du ministère d’État. Le gouvernement a compris toute l’importance de ce monument unique aujourd’hui en France, et qui fournit un exemple dont on peut tirer les plus utiles enseignements pour la construction de nos grandes salles modernes destinées à de nombreuses réunions. Le bâtiment, qui avait été vendu pendant la révolution, a été acheté par le ministère de l’instruction publique et des cultes. Il appartient donc aujourd’hui à l’État. La conservation de la salle synodale de Sens sera un fait d’autant plus remarquable, que l’administration avait à lutter contre certains esprits pour lesquels toute dépense qui ne présente pas un caractère d’utilité matérielle, immédiate et locale, est une dépense perdue ; nous ne pouvons cependant nous borner, en France, à élever des marchés, des abattoirs, des hôpitaux et des viaducs. Il faut reconnaître qu’à Sens, comme au pont du Gard, comme à Carcassonne, la persistance éclairée de l’administration trouve chaque jour l’approbation la plus vive de la part des nombreux visiteurs qui chez nous, heureusement, pensent que les monuments du passé méritent d’être conservés et tirés de l’oubli où on les laissait autrefois.