Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 5.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[donjon]
— 48 —

Peut-être Henri restaura-t-il les parties supérieures qui n’existent plus, peut-être même les grands mâchicoulis de la façade (fig. 7) datent-ils du règne de ce prince, car les arcs de ces mâchicoulis, que nous avons figurés plein cintre, sont des arcs brisés sur le dessin de 1708, tracé incorrect d’ailleurs, puisqu’il n’indique pas avec exactitude les parties de la construction que nous voyons encore debout. Quant aux dispositions générales, quant au système de dégagements, d’escaliers, avec un peu de soin on en reconnaît parfaitement les traces, et c’est en cela que le donjon d’Arques, qui jamais ne fut pris de vive force, est un édifice militaire du plus haut intérêt, et, malgré son état de ruine, beaucoup plus complet, au point de vue de la défense, que ne le sont les célèbres donjons de Loches, de Montrichard, de Beaugency, construits à peu près d’après les mêmes données. Ce qui fait surtout du donjon d’Arques un type complet, c’est sa position dans le plan du château ; protégé par les courtines de la place et deux tours, il commande cependant les dehors ; il possède sa porte de secours extérieure bien défendue ; il protège l’enceinte, mais aussi il peut la battre au besoin avec succès ; il est absolument inattaquable par la sape, seul moyen employé alors pour renverser des murailles ; il permet de renfermer et de maintenir une garnison peu sûre, car ses défenseurs ne peuvent agir qu’en aveugles et sur le point qui leur est assigné. Une trahison, une surprise n’étaient pas praticables, puisque, une partie du donjon prise, il devenait facile à quelques hommes déterminés de couper les communications, de renfermer l’assaillant, de l’écraser avant qu’il ne se fût reconnu. Comme dernière ressource, le commandant et ses hommes dévoués pouvaient encore s’échapper. Le feu seul pouvait avoir raison de cette forteresse ; mais quand on considère la largeur des fossés du château creusés au sommet d’une colline, l’élévation des murs, l’absence d’ouvertures extérieures, on ne comprend pas comment un assaillant aurait pu jeter des matières incendiaires sur les combles, d’autant qu’il lui était difficile de s’établir à une distance convenable pour faire agir ses machines de jet avec succès.

Les donjons normands et les donjons romans, en général, sont élevés sur plan rectangulaire ; c’est une habitation fortifiée, la demeure du seigneur ; ils contenaient des celliers ou caves pour les provisions, une chapelle, des salles avec cabinet, et toujours, au sommet, un grand espace libre pour organiser facilement la défense. La plupart de ces logis quadrangulaires possèdent leur escalier principal séparé du corps de la bâtisse, et quelquefois ce mur de refend qui les divise en deux parties égales. L’entrée est habituellement placée beaucoup au-dessus du sol, au niveau du premier étage. On ne peut s’introduire dans le donjon que par une échelle ou au moyen d’un pont volant avec escalier de bois que l’on détruisait en temps de guerre.

Le petit donjon de Chambois (Orne), qui date du XIIe siècle, présente la plupart de ces dispositions de détail. Son plan est rectangulaire, avec quatre renforts carrés aux angles. Une tour carrée, posée sur un de ses