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se fut perfectionné à la suite des premières croisades, que les assiégeants mirent en batterie des engins puissants, que l’on fit des boyaux de tranchée, que l’on mit en usage ces longs chariots couverts, ces chats, pour permettre de saper les murs sans danger pour les mineurs, alors les donjons rectangulaires, si épais que fussent leurs murs, parurent insuffisants ; leurs angles n’étaient pas flanqués et offraient des points saillants que le mineur attaquait sans grand péril ; les garnisons enfermées dans ces réduits voyaient difficilement ce qui se passait à l’extérieur ; elles ne pouvaient tenter des sorties par ces portes placées à plusieurs mètres au-dessus du sol ; la complication des défenses était, dans un moment pressant, une cause de désordre ; les assiégés eux-mêmes s’égaraient ou au moins perdaient beaucoup de temps au milieu de ces nombreux détours, ou encore se trouvaient pris dans les pièges qu’eux-mêmes avaient tendus. Dès le milieu du XIIe siècle, ces défauts de la défense du donjon normand furent certainement reconnus, car on changea complètement de système, et on abandonna tout d’abord la forme rectangulaire. Une des premières et une des plus heureuses tentatives vers un système nouveau se voit à Étampes. Le donjon du château d’Étampes, quoique fort ruiné, possède encore cependant plus de trois étages, et on peut se rendre compte des divers détails de sa défense. Nous ne saurions assigner à cette construction une date antérieure à 1150 ni postérieure à 1170. Quelques chapiteaux qui existent encore et le mode de bâtir appartiennent à la dernière période de l’époque romane, mais ne peuvent cependant dater du règne de Philippe-Auguste. La tradition fait remonter la construction du donjon d’Étampes au commencement du XIe siècle, ce qui n’est pas admissible. Philippe-Auguste fit enfermer sa femme Isburge, en 1199, dans le donjon que nous voyons encore aujourd’hui[1] : donc il existait avant cette époque.


Le chapiteau dessiné ici (14) ne peut laisser de doutes

  1. Dom Fleureau. Voy. la notice sur le donjon d’Étampes, insérée dans le t. XII du Bull. monum., p. 488, par M. Victor Petit.