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cela est fort sagement conçu et exécuté avec soin. Ici la règle « ce qui défend doit être défendu » est parfaitement observée. Les constructions sont bien faites, en moellons avec arêtes, arcs et pieds-droits en pierre de taille. Dans cette bâtisse, pas un profil, pas un coup de ciseau inutile ; celui qui l’a commandée et celui qui l’a exécutée n’ont eu que la pensée d’élever sur ce promontoire un poste imprenable ; l’artillerie moderne seule peut avoir raison de cette petite forteresse.

Il est certain que les seigneurs féodaux qui habitaient ces demeures devaient y mourir d’ennui, lorsqu’ils étaient obligés de s’y renfermer (ce qui arrivait souvent) ; aussi ne doit-on pas s’étonner si, à la fin du XIe siècle et pendant le XIIe, ils s’empressèrent de se croiser et de courir les aventures en terre sainte. Pendant les longues heures de loisir laissées à un châtelain enfermé dans un de ces tristes donjons, l’envie, les sentiments de haine et de défiance devaient germer et se développer sans obstacles ; mais aussi, dans les âmes bien faites, les résolutions généreuses, mûries, les pensées élevées devaient se faire jour : car si la solitude est dangereuse pour les esprits faibles, elle développe et agrandit les cœurs bien nés. C’est, en effet, du fond de ces sombres donjons que